PUBLIÉ LE 19 mars 2018

Par décision du 15 mars 2018, le Conseil constitutionnel valide la conformité de la loi permettant une bonne application du régime d’asile européen à la Constitution, considérant que ses dispositions ne portent pas atteinte à la liberté individuelle et liberté d’aller et de venir.

Alors que « l’étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ et que l’administration doit exercer toute diligence à cet effet », les nouvelles dispositions inversent ce principe en permettant le placement en rétention de l’étranger préalablement à la décision de transfert et durant toute la procédure de reprise en charge, mis à la disposition de l’administration dans un centre fermé.

Pourtant la cour de Cassation avait relevé dans un arrêt du 27 septembre 2017 (17-15.160) que, conformément à l’avis rendu par le Conseil d’État le 19 juillet 2017 (CE, avis, 19 juil. 2017, n° 408919), le placement en rétention administrative ne peut être décidé avant qu’une décision de transfert ne soit notifiée, faute de disposition de droit interne l’autorisant expressément, et ce, quand bien même l’article 28 du règlement l’autoriserait (Règl. (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, 26 juin 2013 : JOUE no L 180, 29 juin, art. 28).

Ainsi, les neuf sages ont validé la proposition de loi visant à contourner cette jurisprudence, permettant de placer en rétention certains demandeurs d’asile, alors qu’ils ne font pas l’objet d’une mesure d’éloignement.

D’autre part, la loi redéfinit également le risque de fuite permettant le placement en rétention des personnes en procédure Dublin, multipliant les situations où le risque de fuite serait retenu, telles que l’altération des empreintes digitales, la fraude aux titres d’identité, de séjour ou de voyage, la dissimulation de son identité, de son parcours ou de sa situation.

Ces dispositions vont donc permettre de placer très largement les étrangers « Dublinés » en rétention.

Le Conseil Constitutionnel a considéré que l’atteinte portée à la liberté individuelle doit être regardée comme nécessaire, adaptée et proportionnée à l’objectif poursuivi par le législateur.

Enfin, les nouvelles dispositions viennent réduire le délai de recours juridictionnel à l’encontre de la décision de transfert vers l’Etat responsable de l’examen de la demande d’asile, délai qui porte atteinte au droit à un recours effectif, dans la mesure où il prive l’étranger de la possibilité de préparer utilement son recours.

Le grief tiré de la méconnaissance de l’article 16 de la Déclaration de 1789 est pourtant écarté.

Les demandeurs d’asile en procédure Dublin vont désormais être enfermés pendant plusieurs mois, dans l’attente de leur transfert vers un autre pays, au mépris de tous les principes fondamentaux qui doivent protéger les personnes vulnérables.

Ainsi la validation par le Conseil Constitutionnel de cette loi, qui traduit l’intention du gouvernement de durcir drastiquement la politique de l’asile en France, ne peut qu’inquiéter quant à la teneur de l’examen du projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif qui ne manquera pas d’être déféré au Conseil constitutionnel.

Le SAF qui a eu l’occasion de dénoncer la semaine dernière, auprès des parlementaires, le recul des droits contenus dans l’avant-projet de loi, constate qu’une fois de plus, le souci d’efficacité prévaut sur le respect des droits des étrangers.

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