PUBLIÉ LE 22 janvier 2014

Depuis 5 ans, et la promulgation de la loi Dalo, le droit au logement est passé du rang de principe à celui d’une obligation de résultat garantie par l’Etat. Mais cette loi rencontre d’importants et récurrents problèmes dans son application dans les secteurs où la crise du logement est la plus aiguë. L’un des dysfonctionnements manifestes est le nombre important d’expulsions de personnes en attente d’être reconnues au titre du droit au logement opposable.

 La loi DALO consacre le droit au relogement de toutes les personnes menacées d’expulsion et de bonne foi : elle institue un droit de recours pour que l’Etat soit appelé en garantie de ce droit, dès que la Commission de médiation a validé le recours formulé par les demandeurs menacés d’expulsion.

 Rappelons que depuis 1993 l’Etat se voit reconnaître par la loi le monopole de la décision de mise en œuvre d’une expulsion judiciaire, compte tenu de l’importance même pour la famille d’une telle extrémité : il est en droit d’opposer les considérations d’ordre public social pour retarder ou rejeter l’expulsion.

 Manifestement, l’examen par l’Etat des demandes de concours de la force publique qui lui sont adressées par un bailleur titulaire d’un titre exécutoire d’expulsion doit être considéré, en tenant compte du droit à indemnisation du bailleur en cas de préjudice découlant de la non-exécution, mais aussi du préjudice humain, moral, social de toute expulsion d’un ménage dont  la reconnaissance fonde bien la loi DALO.

Le comité de suivi de la loi DALO a réaffirmé cet été et ces dernières semaines  les trois principes avancés lors du vote de deux motions en mars 2010 et juin 2013 :

« 1/Que toute personne faisant l’objet d’un jugement d’expulsion soit informée par le préfet de la possibilité de déposer un recours Dalo en vue d’obtenir un relogement, ainsi que des coordonnées des services et organismes susceptibles de l’assister dans cette démarche.

2/ Lorsqu’une personne a déposé un recours Dalo, que la décision d’accorder le concours de la force publique soit suspendue en attente de celle de la commission de médiation ; cette dernière ne doit pas exiger que le concours de la force publique soit accordé avant de se prononcer.

3/ Lorsqu’une personne a été désignée comme prioritaire par la commission de médiation, qu’aucun concours de la force publique ne soit accordé avant qu’elle n’ait obtenu une offre de logement adaptée à ses besoins et à ses capacités. »

Or, il apparaît un ensemble de dysfonctionnements inacceptables dans la protection des ménages menacés d’expulsion, spécifiquement dans les zones les plus tendues, où leur situation mérite justement la plus grande attention.

 La circulaire du 26 octobre 2012 invoque à juste titre le principe d’égalité de traitement devant la loi, pour étendre à tout le territoire les pratiques qui sont courantes dans une bonne partie des départements dès l’année passée : dorénavant, le concours de la force publique ne doit en aucun cas être mis en œuvre avant le relogement effectif du ménage reconnu prioritaire DALO.

 Mais, un enjeu pourtant essentiel n’a pas été clarifié par la circulaire : celui des demandes de concours de la force publique qui seraient demandés alors qu’un ménage a déposé un recours devant la commission, invoquant le critère « menacé d’expulsion » mais dont le dossier n’a pas encore été examiné par la commission de médiation.

 Dans de nombreux départements, ces dossiers peuvent être examinés par la Commission bien avant les délais résultant  des procédures actuelles :

–     délai de préavis de deux mois institué pour le commandement de quitter les lieux délivré en application de l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution, au ménage menacé d’expulsion et en copie au Préfet,

–     délai d’instruction administrative normale d’une demande de concours de la force publique qui ne peut intervenir qu’à l’issue du délai de deux mois institué par le même article.

 Mais dans les zones tendues, telles Paris, les départements de la région francilienne, ou PACA, les délais pour qu’un dossier de demandeur DALO soit examiné est de 6 mois. Des décisions de concours de la force publique ont été prises, alors que le Préfet connaissait – apparemment-  l’existence d’un recours déposé par le ménage menacé d’expulsion  – mais que la Commission n’avait pas encore pu statuer.

 Cette position de l’Etat constitue une violation inacceptable des garanties que la loi DALO accorde aux ménages menacés d’expulsion : le principe d’égalité de traitement que retient la circulaire ministérielle est également gravement mis en cause.

 Il importe de rappeler qu’une expulsion effectuée ainsi, en raison de simples difficultés administratives de mise en œuvre des procédures, aboutit concrètement à la perte irrémédiable d’un logement sans que le relogement du ménage et sa continuité de droit au logement ne soient assurés. L’examen a posteriori de la situation en Commission de médiation pourra certes confirmer le droit au relogement d’une famille sans domicile, mais ne pourra compenser la violence de l’expulsion imposée à une famille qui demandait à l’Etat la protection prévue par la loi.

 Pour tous ces motifs, nos organisations, confrontées à la pratique judiciaire des expulsions, demandent l’adoption d’un amendement législatif au projet ALUR, prévoyant la suspension des effets du commandement de quitter les lieux  lorsque la personne menacée d’expulsion a saisi  la COMED d’une demande  de DALO.

Paris le 22 janvier 2014

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