PUBLIÉ LE 23 mars 2020

Le 18 mars 2020, au lendemain du début de la période de confinement décrété par le Premier Ministre, le Gouvernement a déposé au Sénat un projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19. Les circonstances exigeant un examen rapide, le Parlement a adopté 22 mars dernier le texte en discussion.

Afin de faire face aux conséquences de l’épidémie, notamment de nature administrative ou juridictionnelle, le Gouvernement est dès à présent habilité à prendre par voie d’ordonnances des mesures spéciales en matière pénale.

D’abord, le Gouvernement est autorisé à modifier les règles de la garde à vue en prévoyant l’intervention de l’avocat à distance et la prolongation de la mesure sans présentation de la personne devant le magistrat compétent.

Ensuite, il est prévu d’allonger la durée de la détention provisoire (de trois mois en matière correctionnelle et de six mois en appel et en matière criminelle), tout en supprimant l’audience aux fins de prolongation. Le juge des libertés et de la détention se prononcera désormais sur la seule base des réquisitions du parquet et des observations écrites du prévenu et de son avocat. Dans le même sens, la loi adoptée permet d’étirer les délais d’audiencement en maintenant les prévenus et accusés en détention pour les mêmes périodes de trois et six mois.

Enfin, le texte envisage la transformation des modalités du débat contradictoire et l’aménagement des « règles relatives à l’exécution et l’application des peines privatives de liberté pour assouplir les modalités d’affectation des détenus dans les établissements pénitentiaires [et] les modalités d’exécution des fins de peine ».

En dépit du flou qui entoure certaines de ces dispositions, l’esprit général de cette loi d’urgence ne trompe pas, ce sont d’authentiques mesures d’exception qui s’annoncent. Qu’il est alors regrettable de constater qu’encore une fois, l’adaptation des règles de la procédure pénale aux épreuves de notre temps ne se fait qu’au détriment des droits de la défense plutôt que de garantir l’intervention de l’avocat dans des conditions de sécurité sanitaire satisfaisantes.

Aucune circonstance exceptionnelle ne saurait pourtant justifier ces inadmissibles atteintes aux principes cardinaux : le contrôle des mesures privatives de libertés par l’autorité judiciaire, le droit de comparaître devant son juge, le droit au procès équitable, le respect du contradictoire, l’oralité et la publicité des débats, etc.

C’est en effet tout le sens des droits fondamentaux ; rien ne peut justifier qu’il leur soit porté atteinte et bien que vivement chahutés par les vents, ils ne doivent jamais flancher.

Le Syndicat des avocats de France affirme ainsi sa très vive opposition aux projets du Gouvernement qui annoncent le confinement des droits de la défense en même temps que rien n’est prévu pour assurer aux avocats les moyens juridiques et sanitaires de poursuivre leur travail. Parce que ces lois sont d’immuables laboratoires d’expérience, il est impératif de veiller à ce que cette crise sanitaire ne serve pas l’intégration de ces mesures exceptionnelles dans le droit commun.

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