Le SAF exprime sa profonde inquiétude suite à l’arrêt rendu ce jour par la cour administrative d’appel de Toulouse concernant le projet d’autoroute A69 Toulouse-Castres. Moins de trois mois après la décision historique du tribunal administratif de Toulouse qui avait annulé les autorisations environnementales, cette décision permet la reprise des travaux en prononçant un sursis à exécution du jugement du 27 février 2025, portant un coup sévère au droit de l’environnement.
En suivant de telles logiques, la justice administrative entérine la stratégie du fait accompli déployée par les porteurs des projets, comme cela devient la pratique régulière d’ores et déjà constatée par le passé sur les grands projets d’infrastructures.
Ces politiques du fait accompli confirment les craintes exprimées par les avocats et avocates depuis plusieurs mois : les magistrats sont soumis à des pressions considérables pour privilégier les intérêts économiques immédiats au détriment de la protection du vivant.
L’image de la justice est gravement ternie par ces stratégies du fait accompli.
Pour l’A69, l’image de la justice est particulièrement ternie par les revirements successifs et à très brève période, observés dans ce dossier. Après l’annulation courageuse en février 2025, l’arrêt de ce jour permettant la reprise des travaux donnent le sentiment d’une justice hésitante, perméable aux pressions politiques et économiques et qui va à l’encontre de la jurisprudence. Les déclarations du ministre des transports qualifiant d’ « ubuesque » la décision du tribunal administratif, les déclarations de parlementaires dénigrant le travail des juges de première instance et le vote d’une loi de validation par le Sénat qui met à mal la séparation des pouvoirs, ont manifestement pesé sur l’orientation des conclusions du rapporteur public.
Cette affaire témoigne plus que jamais d’une crise profonde du contentieux environnemental en France :
– Le caractère non-suspensif des recours contre les autorisations environnementales permet aux promoteurs de créer des situations irréversibles pendant l’examen des recours,
– L’avancement des travaux devient l’argument principal pour rejeter les recours, créant un cercle vicieux qui empêche tout contrôle effectif de la légalité des projets,
– Les juges administratifs, placés devant le coût économique et politique d’un arrêt définitif des travaux engagés, tendent à privilégier les considérations financières au détriment du droit,- l’inadaptation du droit et du contentieux administratif au temps long, que ce soit pour des travaux d’infrastructures ou des pollutions avec effet retardé sur des milliers d’années,
– La pression médiatique et politique exercée sur les magistrats nuisant gravement à leur indépendance, particulièrement dans les dossiers à fort enjeu comme celui de l’A69.
Elles interviennent dans un contexte politique qui fragilise de plus en plus le droit de l’environnement, avec notamment l’examen du projet de loi de simplification de la vie économique ou de la proposition de loi Duplomb.
L’arrêt de ce jour confirme que l’État de droit semble s’arrêter là où commencent les intérêts économiques à court terme pour des grands projets ayant des impacts environnementaux irréversibles.