Saisi par plusieurs organisations d’avocats et de magistrats, dont le Syndicat des avocats de France, l’A3D et le Syndicat de la magistrature, le Conseil d’Etat a statué ce vendredi 27 novembre 2020 sur l’ordonnance n° 2020-1401 du 18 novembre 2020 adaptant les règles de la procédure pénale à la situation sanitaire et élargissant les possibilités de recourir à la visio-conférence sans le consentement des parties devant l’ensemble des juridictions pénales.
Bien plus qu’un simple aménagement des règles habituelles, le Gouvernement avait ici franchi un pas inédit en autorisant la visio-conférence dans les cours d’assises et les cours départementales criminelles. Pour la première fois, il permettait d’exclure de leur procès et de priver d’accès à leurs juges des hommes et des femmes qui encourent des années de réclusion criminelle.
Taillée sur mesure pour le procès – actuellement suspendu pour raison médicale – des attentats de janvier 2015, cette disposition a suscité colère et indignation. Nombreuses et nombreux sont d’ailleurs ceux qui ont répondu à l’appel de nos organisations et se sont rassemblés au Tribunal judiciaire de Paris à la réouverture du procès, lundi 23 novembre dernier. Unis, avocats et magistrats ont ainsi manifesté leur rejet de ce texte et se sont opposés à la liquidation des règles essentielles d’une audience pénale.
Le Conseil d’Etat a solennellement affirmé que la gravité des peines encourues, le rôle dévolu à l’intime conviction et le principe de l’oralité des débats justifient que l’ensemble des parties soient présentes au cours de l’audience. Il a jugé que parce que l’instauration de la visio-conférence dans les procès criminels constitue une atteinte à ses principes fondateurs, sa mise en œuvre doit être suspendue en urgence.
Si cette décision valide malgré tout le dispositif dans l’ensemble des autres audiences pénales et nous rappelle que le combat n’est pas encore gagné, il faut se réjouir qu’elle fixe une limite majeure à la virtualisation croissante de la justice et réfrène les tentations d’éloignement des justiciables. Le Conseil d’Etat en profite pour rappeler que « les dispositions contestées se bornent à offrir une faculté aux magistrats, auxquels il appartient, dans chaque cas, d’apprécier si ces difficultés justifient l’usage de la visio-conférence » au regard notamment de l’état de santé du détenu et de l’enjeu de l’audience en cause.
Une nouvelle fois, le Gouvernement est sévèrement invité à réviser ses fondamentaux. A l’heure où le garde des Sceaux engage des réflexions sur l’avenir de l’audience, le Syndicat des avocats de France et le Syndicat de la magistrature se félicitent de cette leçon.
Nous espérons qu’il se convaincra alors qu’aucun procès ne devrait jamais commencer sans que le Président n’ait à ordonner : « Faites entrer l’accusé ».