Trente et une organisations expriment leur profonde indignation quant à l’annonce par le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, d’une instruction ministérielle ordonnant l’arrêt de toutes les activités en prison autres que le « soutien scolaire », « la langue française » et ce qui touche au travail ou au sport. Un acte de pure démagogie, aux conséquences désastreuses pour les personnes détenues comme pour la société. L’emballement a déjà gagné de nombreux établissements pénitentiaires, où l’ensemble des activités visé par le Garde des sceaux est temporairement suspendu.
Confronté à une polémique sur une activité de socio-esthétique proposée à une vingtaine de personnes détenues à la maison d’arrêt de Toulouse-Seysses, le garde des Sceaux choisit une fois de plus de nourrir la désinformation, plutôt que de rappeler la mission d’insertion des personnes détenues confiée à son administration. En se disant « choqué profondément » par « ces activités dont personne ne comprend pourquoi elles existent », il défend à nouveau une approche exclusivement punitive de la prison, au mépris des principes fondamentaux des droits humains. Ces activités s’inscrivent en réalité dans un travail sur l’estime de soi et le lien social, qui conditionne toute autre démarche d’insertion. Le problème est plutôt qu’elles ne concernent qu’une infime minorité de prisonniers : la prison de Seysses en compte plus de 1300.
Plutôt que de saper une mission essentielle de son ministère, déjà largement en mal de moyens, Gérald Darmanin aurait pu s’attaquer à un scandale bien réel : celui des conditions de détention. Au 1er janvier, 1239 personnes étaient entassées au quartier maison d’arrêt de Seysses, qui ne compte que 580 places. Une surpopulation généralisée dans les prisons françaises, qui vient s’ajouter à l’insalubrité de nombreux établissements, au manque d’accès aux soins, aux formations, à l’emploi, etc. Dans ce contexte, les activités en détention constituent un levier essentiel non seulement pour préparer la réinsertion des personnes détenues, mais aussi pour préserver leur équilibre psychologique. L’administration y voit même souvent une soupape pour gérer une détention explosive.
En réalité, le choix du tout-sécuritaire prôné par le garde des Sceaux guide d’ores et déjà les politiques pénitentiaires depuis des dizaines d’années. L’insuffisance des moyens dévolus aux activités en détention reflète le manque d’une politique nationale réfléchie pour donner du sens et un véritable contenu à la peine : le temps carcéral est un impensé, un temps mort. Au détriment des personnes détenues comme de la société.
L’état catastrophique des prisons françaises mérite mieux que des effets d’annonce aggravant encore le problème. Nous demandons au ministre de la Justice de revenir sur cette décision démagogique, injuste et contre-productive, et d’engager une réflexion sérieuse sur le sens de la peine et l’amélioration des conditions de détention.