Court-circuitant les partenaires sociaux, le gouvernement a présenté le 18 juin 2019 une réforme de l’assurance-chômage devant être adoptée par décret avant la fin de l’été. C’est la première fois depuis 1982 qu’une telle réforme est intégralement décidée par l’Etat. Les représentants des salariés ont, de fait, été placés en marge de ce processus.
Le projet du gouvernement tend à transformer la branche chômage historiquement fondée sur un système assurantiel de solidarité interprofessionnelle en un régime d’assistance par l’Etat sur la base de droits a minima versés aux privés d’emploi qui se montreront les plus « méritants ».
La réforme est présentée comme poursuivant un objectif d’économie de 3,4 milliards d’euros d’ici 2021 par le biais d’un durcissement des conditions d’accès à l’assurance-chômage et d’une diminution des droits des allocataires.
Les économies seront donc faites au préjudice des chômeurs, et en particulier des plus précaires d’entre eux, qui ne parviennent pas à accéder à des emplois de longue durée, puisqu’il faudra désormais avoir travaillé au minimum 6 mois sur les 24 derniers mois, et non plus 4 mois sur les 28 derniers mois pour avoir droit à une indemnisation.
Selon les syndicats de salariés, ce sont 240 000 personnes qui seront injustement privées d’allocations et ainsi vouées à la grande précarité et à l’assistance publique.
Cette réforme repose sur l’idée absurde et démagogique que les demandeurs d’emploi profiteraient du système et que les priver de leurs allocations les inciterait à retrouver un emploi.
Les chiffres établissent pourtant que les cas de fraude aux prestations sociales sont en réalité très minoritaires, que plus de la moitié des inscrits à Pôle Emploi ne perçoivent déjà aucune indemnisation et ne retrouvent pas de travail en raison du nombre insuffisant d’emplois disponibles et du manque de moyens alloués à l’accompagnement des demandeurs d’emploi.
Contrairement à ce que le gouvernement voudrait faire croire, le chômage ne se choisit pas, il se subit.
En outre, cette réforme, qui générera de la précarité et de la souffrance sociale, ne repose sur aucune réalité économique.
L’Unedic avait confirmé que, malgré la crise bancaire privée de 2008, son équilibre à moyen terme était d’ores et déjà assuré, avec un retour à l’excédent pour 2021.
A l’inverse, les mesures gouvernementales récentes, telles que la suppression des emplois aidés, le recul de l’âge de la retraite, ou la facilitation des emplois précaires et des licenciements pèsent sur les comptes de l’Unedic.
Dans la suite des dernières réformes intervenues en droit du travail, le gouvernement poursuit son projet de déconstruction des droits des salariés et privés d’emploi, déjà fragilisés par leur situation de chômage.
La flexibilité donnée aux entreprises devait être compensée par une plus grande sécurité des travailleurs. Force est de constater que ce n’est pas le cas.
L’instauration symbolique d’un « bonus-malus » contre l’abus de CDD est insignifiante, étant limitée à 7 secteurs et repoussée en 2021, sachant qu’en parallèle la sur-cotisation sur les CDD est supprimée pour l’ensemble des secteurs.
D’ailleurs, la quasi-stagnation des cotisations patronales depuis 2003 n’est pas remise en cause.
La réforme annoncée est d’autant plus choquante et disproportionnée qu’elle vient compléter le récent décret du 28 décembre 2018 durcissant déjà de manière exorbitante l’arsenal répressif à l’encontre des chômeurs.
Ainsi, le SAF constate et s’inquiète que la réforme annoncée par le gouvernement se fasse à nouveau dans le sens d’une stigmatisation des privés d’emploi, d’une diminution de leurs droits, et d’un renforcement de leur contrôle, au détriment des actions réelles destinées à favoriser la reprise d’un emploi.
Le SAF dénonce en outre le contournement du dialogue social, en dépit des principes constitutionnels inscrits en préambule du Code du travail.
Le SAF demande donc l’abandon de cette réforme dangereuse et dommageable pour les droits sociaux et se mobilisera aux côtés de toutes celles et de tous ceux qui la combattront.