En 2019, le gouvernement décidait d’écarter les partenaires sociaux de leur rôle historique d’élaboration des règles de l’assurance chômage et de réformer lui-même en profondeur le système au détriment des plus précaires (voir notre communiqué du 18 juillet 2019 : « Réforme de l’assurance-chômage : une reprise en main de fer par l’État conduisant à une précarisation inacceptable des plus fragiles »).
Alors que les effets de cette réforme n’ont pas été évalués, le gouvernement présente un projet de loi en septembre 2022 dit « Mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi ». Au prétexte de l’urgence, le gouvernement envisage ainsi de pérenniser le dispositif actuel jusqu’au 31 décembre 2023, empêchant toute réflexion. De manière très préoccupante, le gouvernement poursuit sa stratégie de contournement des partenaires sociaux, qu’il renvoie à une simple « concertation » sur la réforme à venir qu’il entend définir seul.
Sur le fond, la réforme annoncée est hautement problématique car elle repose sur le postulat mensonger du « chômeur profiteur du système » qui ne chercherait pas à retrouver un emploi.
La mesure phare du projet repose sur l’idée qu’il conviendrait de moduler le niveau d’indemnisation du demandeur d’emploi en fonction de la conjoncture économique, cette mesure « incitative » à l’égard des chômeurs étant destinée à pourvoir aux besoins immédiats d’embauche dans les secteurs d’activité dits en tension. Aucune réflexion n’est menée sur la question de l’adéquation de l’emploi proposé au profil du demandeur d’emploi, ce dernier étant uniquement considéré comme un surplus de main d’œuvre utile qu’il conviendrait de remettre au travail. Au surplus, c’est par décret que le gouvernement procédera à la « modulation en fonction de la situation éco ».
L’ajout d’un amendement permettant à l’employeur de présumer une démission d’une situation d’abandon de poste du salarié participe d’une même logique purement démagogique. Cet amendement porte atteinte au principe posé par la Cour de cassation selon lequel la démission ne se présume pas. la possibilité pour le salarié d’accéder au Conseil de prud’hommes dans le délai d’un mois pour rétablir l’exacte qualification des faits est un leurre puisque ce délai, déjà prévu dans le code du travail, n’est jamais respecté en raison du manque structurel de moyens de la justice prud’homale.
L’image humiliante du « chômeur paresseux » véhiculée par cette réforme est contredite par toutes les études récentes qui établissent que :
- Entre 25 % et 42 % des salariés éligibles ne recourent pas à l’assurance chômage par méconnaissance de leurs droits ou lourdeur administrative ;
- 92 % des chômeurs indemnisés cherchent activement un emploi ;
- On constate un phénomène grandissant des démissions pour rechercher un emploi de meilleure qualité ;
Le SAF ne peut que s’insurger contre cette réforme injuste et inefficace, et déplorer une occasion manquée d’aborder sérieusement la question de l’effectivité de l’assurance chômage, dans le respect du dialogue social avec le concours des acteurs du terrain. Le SAF renvoie aux propositions qu’il a déjà formulées dans son Livret Justice 2022 destinées à rendre effectifs les droits des chômeurs.