PUBLIÉ LE 13 février 2025

Le Président de la République a annoncé le 10 février qu’il proposait Richard Ferrand pour prendre la présidence du Conseil constitutionnel.

Devenu gardien des principes essentiels et fondamentaux de l’État de droit, le Conseil constitutionnel a progressivement pris une place de plus en plus importante parmi les sources du droit, au point de prendre un rôle juridictionnel depuis l’introduction de la question prioritaire de constitutionnalité et son intervention dans des litiges individuels. Dans le même temps, la logique de sa composition a peu évolué.

Ainsi, le fonctionnement actuel de cette institution suscite de nombreuses questions.

Celle de la qualité des décisions rendues, d’abord.

A cet égard, le SAF rappelle que le Conseil se distingue parmi les juridictions constitutionnelles de la plupart des régimes démocratiques, par la concision de ses décisions et le peu d’élaboration explicite des raisonnements juridiques rendus publics.

Des questions se posent aussi quant à la qualité de la justice rendue par le conseil.

Les garanties permettant aux justiciables d’être assuré.es de l’indépendance et de l’impartialité politique de ses membres manquent.

Ainsi, par exemple, le fait, pour un membre du Conseil constitutionnel, d’avoir participé à l’élaboration d’une loi faisant l’objet de la question de constitutionnalité qu’il doit trancher, ne constitue pas une cause de récusation ou de déport.

A ce titre, des associations ont notamment saisi un comité indépendant rattaché aux Nations-Unies de la partialité structurelle du Conseil, avec le soutien d’expert.es du droit constitutionnel.

Ces difficultés ne peuvent qu’être aggravées si le Conseil n’est pas d’avantage composé de juristes ou d’expert.es, intéressé.es par la matière juridique et capables d’améliorer la qualité des décisions rendues au plan du droit.

D’ailleurs, le Conseil constitutionnel est la seule juridiction constitutionnelle en Europe dont la composition n’est pas limitée à des personnes disposant de compétences juridiques particulières.

A cette lacune, s’ajoute le cas des anciens présidents de la République qui sont membres de droit et dont la présence effective est laissée à la discrétion de chacun.  Une charge qui semble anachronique.

En outre, le secrétariat général du Conseil constitutionnel, organe administratif ne devrait pas être, comme c’est aujourd’hui le cas, le principal moteur de positions juridiques devenues centrales dans le fonctionnement de la justice française.

Au contraire, la qualité des décisions de cette institution – et le sentiment de justice qu’elles doivent susciter – dépendent d’un débat approfondi entre le secrétariat général et les membres du Conseil.

S’agissant enfin du rôle politique du Conseil, les choix d’Emmanuel Macron (dissolution, utilisation du 49§3, conditions de nomination de premiers ministre, …) ont mis en péril l’équilibre des pouvoirs tels que définis par la Constitution et ont conduit le Conseil à être saisi d’orientations politiques majeures, susceptibles de modifier profondément les principes fondateurs de la République.

Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que nommer Richard Ferrand, acteur majeur de ces choix, qui a porté la ligne politique du parti présidentiel, est susceptible de porter atteinte à la légitimité du Conseil constitutionnel. A quel prix pour la confiance des citoyen.nes dans notre Constitution ?

Au-delà du seul cas de Richard Ferrand, peut-on encore imaginer une juridiction constitutionnelle moderne composée d’anciens présidents de la République, d’anciens premiers ministres, d’anciens ministres, d’anciens présidents de l’Assemblée nationale ou du Sénat ?

Le SAF estime qu’il est urgent que le Conseil s’intéresse sincèrement aux difficultés précédemment évoquées, déploie des efforts particuliers pour garantir son indépendance et son impartialité, en ce compris l’apparence de cette d’impartialité, et s’attache à produire un droit riche.

 

 

 

 

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