PUBLIÉ LE 29 avril 2022

La réélection du Président sortant le 24 avril 2022 s’est faite alors que les idées portées par l’extrême droite continuent de gagner du terrain. Nos organisations avaient appelé à manifester après l’arrivée, une nouvelle fois, du Rassemblement national au second tour de l’élection présidentielle, s’inscrivant malheureusement dans un mouvement de banalisation de ses idées.

Le taux d’abstention et le nombre de votes blancs historiques — 13,6 millions d’abstentionnistes, ajoutés aux 2,2 millions de bulletins blancs ou nuls — ne viennent que confirmer le rejet de la politique des cinq dernières années par nombre de concitoyen.nes

Un nouveau mandat nous fait craindre le pire pour les libertés publiques, pour la démocratie, pour la Justice.

D’abord parce que les cinq années qui viennent de s’écouler ont été marquées par des politiques particulièrement autoritaires, qui ont fait reculer l’accès aux droits de toutes et tous.

La régression des droits des étranger.es, la répression des mouvements sociaux, la multiplication des lois de sécurité intérieure, l’adoption de la loi séparatisme, la poursuite du démantèlement du droit social… La liste des nombreuses régressions en terme de droits et atteintes aux libertés fondamentales semble interminable.

En contrepoint, la Justice, garante des droits et libertés, n’a été vue que sous le prisme de la sécurité, la justice civile étant du reste la grande oubliée du quinquennat. 

Il s’est agi, encore une fois, d’un quinquennat qui a accouché de nouvelles infractions pénales adoptées au gré des circonstances et des faits divers, sans aucune cohérence.

Les réformes procédurales se sont succédé, avec l’adoption de la loi de programmation pour la justice, du code de la justice pénale des mineurs ou encore de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, ayant chaque fois pour caractéristique d’avoir été menées sans consultation et au mépris de l’avis des professionnels concernés au premier chef.

Malgré les alertes des acteurs du monde judiciaire depuis des décennies, et en dépit de ce que voudrait laisser croire le ministre de la Justice, rien n’a véritablement été fait pour replacer le budget de la justice française à la hauteur de celui de ses homologues européens, l’essentiel des moyens s’étant encore une fois concentré sur l’enfermement.

Les juridictions ont vu se multiplier les créations de contrats précaires insusceptibles de résorber les difficultés sur le long terme, tandis que les créations d’emplois de magistrats et de fonctionnaires de greffe sont demeurées plus que modestes.

Contrairement à la communication du garde des Sceaux, la justice n’est toujours pas réparée, elle est à l’agonie et avec elle, ses personnels, avec toutes les conséquences que cela emporte pour les droits des justiciables.

Au regard de ce bilan de recul des droits et de la justice, les annonces du Président sortant et les projets de loi déjà prêts à être votés ne sont pas de nature à nous rassurer.

Le projet de loi LOPMI a été présenté au Conseil des ministres le 16 mars 2022 et conforte le tout-répressif : hausse du budget du ministère de l’Intérieur de 15 milliards d’euros supplémentaires, doublement du nombre des forces de l’ordre sur le terrain d’ici 2030, simplification de la procédure pénale au travers de la multiplication des amendes forfaitaires délictuelles, renforcement des pouvoirs de la police judiciaire, sécurisation des frontières…

Un énième projet de réforme du code de l’entrée et du séjour des étrangers et des demandeurs d’asile est également prévu, pour renforcer le contrôle aux frontières et simplifier le contentieux de l’éloignement, dans un sens évidemment défavorable aux droits de la défense.

Le dispositif des lois d’exception relatifs à la crise sanitaire est toujours en vigueur. Il est à craindre qu’au 31 juillet prochain, elles soient maintenues ou entrent définitivement dans le droit commun, au risque de voir encore les libertés fondamentales restreintes au nom d’un impératif de santé publique.

Les États généraux de la Justice, lancés il y a six mois, sont censés prochainement « dresser un état de la situation de la Justice en France et formuler des propositions concrètes pour mettre la Justice au centre du débat démocratique  ».

La teneur des auditions, les questionnaires orientés qui ont servi à la consultation ne laissent toutefois guère d’illusions sur les pistes qui seront suggérées, dans la lignée des réformes précédemment dénoncées, à commencer par de nouvelles « simplifications de la procédure » à des fins gestionnaires, qui vont encore restreindre l’accès au juge et les droits de la défense…

Si le Président nouvellement ré-élu a affirmé que le vote des français qui ont souhaité faire barrage à l’extrême droite l’obligeait, il est difficile de croire à ces promesses formulées en période électorale après les cinq années qui viennent de s’écouler et qui ont nourri le terreau de l’extrême droite.

Nos organisations demandent donc au Président nouvellement élu et à son prochain gouvernement un engagement réel et des actes concrets pour renforcer les droits et les libertés et doter la justice des moyens pour les garantir.

Nous continuerons sans relâche à porter ces revendications, au travers de nos luttes collectives.

Nous appelons d’ores et déjà à rejoindre les cortèges de manifestation du 1er mai pour porter ces idées et notre refus d’un nouveau quinquennat de recul des droits.

 

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