PUBLIÉ LE 14 mars 2019

Le 12 mars dernier, les sénateurs ont définitivement adopté la proposition de loi visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations dans les mêmes termes que l’Assemblée Nationale, évitant ainsi un risque de réexamen par les députés.

La balle est maintenant dans le camp du Conseil constitutionnel, saisi dès le lendemain par le Président de la République et des parlementaires de l’opposition.

Il devra se prononcer en gardant à l’esprit qu’il s’agit d’une loi qui porte atteinte aux principes fondamentaux nécessaires à l’exercice de la démocratie : la liberté de manifester, la liberté de réunion, la liberté d’expression, la liberté d’aller et venir.

En effet au prétexte de protéger le droit de manifester qui serait menacé par des groupuscules violents, qu’en d’autres pays ou d’autres temps les exécutifs ont appris à réguler dans le respect des libertés, la majorité et l’opposition de droite, dans un élan démagogique et réactionnaire, reviennent sur un droit solidement construit à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème siècle.

Ainsi cette loi donne à l’exécutif par son représentant, le Préfet, la possibilité d’interdire de manifester à une personne qui, selon l’administration « constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public ». `

Les critères d’appréciation de la dangerosité retenus sont trop larges et laissent au pouvoir exécutif en place une capacité d’interdire l’expression sociale et politique sur la base de mises en cause non étayées, de fichiers de police ou de renseignements brouillons et infondés, au mépris de la présomption d’innocence.

La pratique de l’état d’urgence a montré que, dans ces situations, le contrôle a posteriori du juge administratif est inopérant. Il n’interviendra en tout état de cause qu’une fois que la privation de la liberté de manifester aura fait son effet.

Le délit nouvellement créé de dissimulation partielle du visage en manifestation qui, par sa définition imprécise, au mépris du principe de légalité des délits et des peines, pourra conduire un manifestant se protégeant, sans violence, des émanations de gaz lacrymogènes, en garde à vue et en comparution immédiate, notamment.

La mise en place des fouilles à l’entrée des manifestions donneront en pratique aux forces de police, comme cela avait été constaté lors des manifestations contre la loi travail, un pouvoir arbitraire de contrôle des manifestants. La compétence du parquet, sous les directives de l’exécutif, ne donne en la matière qu’une faible garantie contre cet arbitraire.

Compte tenu des enjeux démocratiques en cause, espérons que le Conseil constitutionnel qui vient d’être renouvelé de plusieurs de ses membres par le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale et celui du Sénat censurera cette loi qui s’inscrit dans une évolution constatée depuis plusieurs années de criminaliser l’action revendicative, syndicale ou associative et marque une remise en cause du droit de manifester.

 

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