À la lumière des valeurs fondamentales garanties par la convention sur le génocide, la Cour internationale de justice, dans sa décision du 26 janvier 2024, a jugé qu’il existe un risque réel et imminent qu’un préjudice irréparable soit causé « aux droits qu’elle a jugés plausibles » notamment le droit des palestiniens de la bande de Gaza d’être protégés contre les actes de génocide et actes prohibés connexes visés à l’article III de la convention sur le génocide, et a ainsi ordonné des mesures conservatoires immédiates.
Pendant le conflit en cours, la Cour a pris note des alertes de hauts responsables de l’Organisation des Nations Unies, qui ont maintes fois attiré l’attention de la communauté internationale sur le risque d’une nouvelle dégradation des conditions de vie dans la bande de Gaza et de l’inquiétude exprimée par les experts indépendants et membres de groupes de travail au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’Homme quant à la rhétorique « visiblement génocidaire et déshumanisante » de certains hauts responsables israéliens.
La Cour se réfère aux différents rapports d’organes et agences des Nations Unies faisant état de 25 700 morts et de 63 000 blessés, du déplacement forcé de la population palestinienne de Gaza, du traumatisme infligé à une génération entière d’enfants, de la famine imposée à 93% de la population palestinienne de Gaza, et des dommages considérables sur les infrastructures civiles, notamment sanitaires.
A une écrasante majorité, les juges ordonnent à l’État d’Israël de prendre :
- toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir la commission, à l’encontre des Palestiniens de Gaza, de tout acte entrant dans le champ d’application de l’article II de la convention, en particulier les actes suivants : meurtres, atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale, soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entrainer sa destruction totale ou partielle et mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe, tout en veillant à ce que son armée ne commette aucun de ces actes ;
- toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir et punir l’incitation directe et publique à commettre le génocide à l’encontre des membres du groupe des Palestiniens de la bande de Gaza ;
- sans délai des mesures effectives pour permettre la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire requis de toute urgence afin de remédier aux difficiles conditions d’existence auxquelles sont soumis les Palestiniens de la bande de Gaza
- des mesures effectives pour prévenir la destruction et assurer la conservation des éléments de preuve relatifs aux allégations d’actes entrant dans le champ d’application des articles II et III de la convention
et
- de soumettre à la Cour un rapport sur l’ensemble des mesures prises pour donner effet à la présente ordonnance dans le délai d’un mois de son prononcé.
Le SAF relève également que « la Cour estime nécessaire de souligner que toutes les parties au conflit dans la bande de Gaza sont liées par le droit international humanitaire. Elle est gravement préoccupée par le sort des personnes enlevées pendant l’attaque en Israël le 7 octobre 2023 et détenues depuis lors par le Hamas et d’autres groupes armés et appelle à la libération immédiate et inconditionnelle de ces otages ».
Le SAF salue cette décision historique de la Cour internationale de justice, qui rappelle à Israël les obligations lui incombant au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide tout en regrettant qu’elle n’ait pas appelé l’ensemble des acteurs du conflit à un cessez-le-feu immédiat.
Le SAF dénonce les annonces immédiates du premier ministre israélien indiquant qu’il n’entendait pas se conformer à la décision de la Cour alors que l’ordonnance indiquant des mesures conservatoires au titre de l’article 41 du Statut ont un caractère obligatoire et créent donc des obligations juridiques internationales pour toute partie à laquelle ces mesures sont adressées.
Le SAF demande aux autorités françaises d’agir fortement sur le plan international afin de faire respecter cette décision de la Cour internationale de justice, d’empêcher le manquement d’Israël aux obligations lui incombant au titre de la convention sur le génocide d’œuvrer à la libération immédiate et inconditionnelle des otages et des prisonniers illégalement détenus et d’obtenir un cessez-le-feu conduisant à une paix durable.
Alors que la CIJ relève que la famine frappe à Gaza et a ordonné l’adoption des mesures effectives pour permettre la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire, le SAF s’inquiète des conséquences de la suspension par certains Etats des financements de l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens (UNRWA).
Compte-tenu des obligations incombant aux Etats signataires de la Convention, les autorités françaises doivent mettre en place les mesures nécessaires afin de limiter et prévenir toute violation potentielle de ses obligations, notamment en suspendant toute exportation d’armes au bénéfice du gouvernement israélien, en cas de non-respect des mesures provisoires.
Le SAF rappelle la nécessité de l’ouverture d’enquêtes pénales contre les ressortissants français engagés dans le conflit ayant commis des actes prohibés par la Convention et le droit international humanitaire, visant en particulier les populations civiles israéliennes et palestiniennes.