Le SAF et la profession d’avocat.e se sont opposés à la mise en place d’un secret professionnel portant sur les consultations juridiques fournies par des juristes d’entreprise à leur employeur.
Au détour de l’élaboration au Parlement de la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, la commission mixte paritaire a pourtant introduit dans la loi du 31 décembre 1971 (relative à certaines professions judiciaires et juridiques), un article 58-1 disposant :
« I. – Les consultations juridiques rédigées par un juriste d’entreprise ou, à sa demande et sous son contrôle, par un membre de son équipe placé sous son autorité, au profit de son employeur, sont confidentielles.
- – Pour être couvertes par la confidentialité prévue au I, les consultations juridiques doivent satisfaire les conditions suivantes :
« 1° Le juriste d’entreprise ou le membre de son équipe placé sous son autorité est titulaire d’un master en droit ou d’un diplôme équivalent français ou étranger
2° Le juriste d’entreprise justifie du suivi de formations initiale et continue en déontologie. ».
Quel est le rapport avec l’orientation et la programmation de la Justice de cette disposition qui concerne le monde des affaires et réclamé par lui uniquement ?
Le SAF rappelait en juin dernier qu’une telle disposition va engendrer une inégalité de moyens pour tous ceux et toutes celles (salarié.es, client.es, fournisseur.es…) qui auront à plaider contre l’entreprise concernée. Leur adversaire pourrait en toute légalité soit refuser de remettre au juge, soit s’opposer à la remise par un tiers au juge, de telle ou telle pièce qui pourrait lui nuire. Cela risque, en outre, de créer de nouvelles entraves contre les lanceurs d’alerte dont l’action pourrait être criminalisée s’ils ou elles sont soumis à ce nouveau secret[1].
Le SAF demande à ce que cette confidentialité :
- ne soit pas opposable à l’autorité judiciaire,
- ne soit pas opposable à la personne dont l’information en question permettra d’assurer sa propre défense, en ce compris le ou la juriste salarié.e dans sa défense contre son ancien employeur.
Enfin, le SAF a également alerté sur le risque de création d’une nouvelle profession réglementée du droit.
L’actuel projet est tout à fait révélateur sur ce point puisqu’il fait référence à des obligations de formation déontologique des juristes d’entreprise. Il s’agit donc bien de créer une déontologie pour cette « nouvelle profession du Droit » dorénavant réglementée, bien que subordonnée à ses employeurs eux-mêmes dispensés de toute déontologie, et finalement dépendante d’eux.
Et si, dans l’avenir, les pouvoirs publics décidaient de réunir cette « nouvelle profession du droit » avec celle des avocat.es, alors ne nous y trompons pas : ce sera la mort de l’indépendance de l’Avocat.
[1] https ://lesaf.org/legal-privilege-le-retour-de-la-momie/