L’actualité a mis au grand jour la situation de jeunes étrangers présents depuis des années en France, arrivés soit mineurs isolés, soit avec leur famille, en cours d’études, d’apprentissage, accédant à l’emploi souvent dans des secteurs en pénurie de main- d’œuvre et soudain victimes de refus de séjour avec obligation de quitter le territoire (OQTF) dès lors qu’ils arrivent à leur majorité.
Nous nous réjouissons évidemment que plusieurs de ces jeunes aient trouvé une solution heureuse avec l’obtention d’un titre de séjour grâce à la solidarité que leur situation a suscitée.
Au-delà de ces cas emblématiques, les jeunes en détresse sont nombreux. Depuis des années, associations, enseignants, éducateurs, chefs d’entreprise, maîtres d’apprentissage, élus sonnent l’alarme et ne sont pas entendus. Nous sommes quotidiennement témoins d’un terrible gâchis humain et social : voir des jeunes être menacés d’expulsion, réduits à vivre dans la peur, l’errance et la clandestinité, alors que la France est devenue leur pays, celui de leurs liens, de leurs amitiés, de leurs amours, et qu’ils sont prêts à rendre à la société ce qu’elle a investi dans leur formation.
Pourtant, dès aujourd’hui, il y a des possibilités d’amélioration réelle et immédiate pour au moins réduire l’arbitraire des préfectures :
– il faut faire cesser la suspicion généralisée qui pèse sur de nombreux jeunes dont les actes d’état-civil sont régulièrement contestés, alors que leur identité a été confirmée par un juge ou par les services consulaires de leurs pays ;
– il faut cesser d’exiger des documents impossibles à présenter pour obtenir un titre de séjour (comme des passeports guinéens, par exemple), à plus forte raison lorsque la réglementation prévoit que leur présentation n’est pas obligatoire ;
– il faut en finir avec le blocage absurde des demandes de rendez-vous en préfecture, qui, sous prétexte de dématérialisation, revient à fermer des voies de régularisation. Ainsi, des jeunes, que la loi oblige à demander un titre de séjour avant 19 ans, sont mis dans l’impossibilité de le faire ;
– il faut que ces jeunes puissent avoir accès à des formations ou contrats d’apprentissage, en fonction de leurs niveaux de compétences, qu’ils puissent poursuivre les parcours engagés, et plus largement poursuivre la vie qu’ils ont entamée en obtenant aisément un titre de séjour protecteur et stable ;
– il faut régulariser de façon large et durable les personnes étrangères présentes depuis plusieurs années sur notre territoire notamment en appliquant la circulaire du 28 novembre 2018 plutôt que de mettre fin à celle- ci sans le dire et de restreindre l’accès aux droits et ainsi multiplier les situations dramatiques.
Ce sont là des mesures de bon sens, qui seraient la preuve que le message de ces jeunes, de leurs éducateurs et enseignants, de leurs employeurs, de leurs formateurs, a été entendu. Mais elles ne nous dispensent pas de réfléchir ensemble à la mise en œuvre de politiques d’accueil et de respect des droits fondées sur l’ouverture des frontières et des cœurs et non plus sur la peur et la fermeture.
Signataires :
Accompagnement et défense des jeunes isolés étrangers (ADJIE), Ados sans frontières (ASF), Association pour la défense des mineurs isolés étrangers (Admie), Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), Céméa, Centre de Recherche et d’Information pour le Développement (Crid), Chrétiens dans l’enseignement public (CDEP), La Cimade, Confédération générale du travail (CGT), Comede (Comité pour la santé des exilés), Emmaüs France, Etats généraux des migrations (EGM), Fédération des associations générales étudiantes (Fage), Fédération des associations de soutien aux travailleurs immigrés (Fasti), Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), Fédération éducation recherche culture de |
la CGT (FERC CGT), Fédération générale des pupilles de l’enseignement public (PEP), Fédération indépendante et démocratique des lycéens (FIDL), Fédération syndicale unitaire (FSU), Groupe accueil et solidarité (Gas), Groupe d’Information et de Soutien des Immigrés (Gisti), Ligue des droits de l’Homme (LDH), Ligue de l’enseignement, Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP), Patrons solidaires, Planning familial, Réseau éducation sans frontières (RESF), SNPES-PJJ/FSU, Solidarité Laïque, SOS Racisme, Syndicat des avocats de France (Saf), Syndicat de la magistrature (SM), Tous migrants, Union syndicale Solidaires, Unsa, Unsa Education, Utopia 56. Paris, le 8 février 2021 |