PUBLIÉ LE 14 octobre 2022

Saisi par l’OIP, l’Ordre des avocats du Barreaux de Bordeaux l’A3D et le SAF, le juge des référés considère que les conditions de détention au centre pénitentiaire de Bordeaux méconnaissent gravement les droits fondamentaux des personnes incarcérées. Il ordonne à l’administration de mettre en œuvre neuf mesures urgentes pour améliorer la situation.

Dans une ordonnance du 11 octobre 2022, le juge des référés du Tribunal administratif de Bordeaux estime que les conditions d’incarcération au centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan portent une atteinte grave et manifestement illégale au droit de ne pas subir de traitements dégradants ainsi qu’au droit au respect de la vie privée et familiale des personnes détenues. Il avait été saisi, le 30 septembre dernier, par l’OIP, l’Ordre des avocats du barreau de Bordeaux, l’association Avocats pour la défense des droits des détenus (A3D) et le Syndicat des avocats de France (SAF) afin qu’il soit enjoint aux pouvoirs publics de remédier à l’indignité des conditions de détention dans cet établissement pénitentiaire vétuste et surpeuplé. Ces organisations se fondaient notamment sur le constat alarmant dressé par la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) dans des recommandations en urgence publiées le 13 juillet 2022. L’autorité de contrôle décrivait en effet les conditions de vie terrifiantes imposées aux personnes détenues dans cet établissement et affirmait que « l’hébergement d’êtres humains devrait y être proscrit ».

Dans la lignée de la jurisprudence du Conseil d’Etat, le juge des référés s’est considéré incompétent pour ordonner des mesures qu’il considère structurelles, telles que la fermeture du centre pénitentiaire, la rénovation des cellules et des coursives, la création d’unités de vie familiale, ou le développement substantielle de l’offre d’activités professionnelles, éducatives et culturelles.

Mais il a enjoint à l’administration de mettre en œuvre neuf mesures urgentes susceptibles d’améliorer le quotidien des personnes incarcérées dans les conditions indigne dénoncées, et notamment de :

  • prendre toute mesure susceptible d’améliorer la luminosité des cellules afin de permettre aux personnes détenues de pouvoir procéder aux actes de la vie courante et de procéder à un remplacement systématique des fenêtres des cellules défectueuses ;
  • remplacer, dans les meilleurs délais, les lits instables et les sommiers manquants de boulons et de veiller à équiper chaque lit superposé d’une échelle ;
  • modifier la méthode de distribution des repas afin de garantir une répartition équitable de la nourriture entre les détenus ;
  • mettre fin à l’utilisation d’un même véhicule pour le transport du linge souillé et celui des denrées alimentaires fraiches et de s’assurer que la chaine du froid est strictement respectée ;
  • s’assurer d’une distribution régulière aux détenus, au moins une fois par mois, et gratuite des produits essentiels à l’hygiène ainsi que des produits, en quantité suffisante, nécessaires à l’entretien de leur cellule ;
  • prendre toutes mesures utiles pour permettre un accès effectif des détenus aux téléphones mis à leur disposition dans les bâtiments et sur les cours promenades ;
  • proscrire toute fouille intégrale dans les locaux inappropriés tels que les douches ou le parloir des avocats.

 

Le juge des référés a, en outre, entendu apporter des garanties au droit à la santé des personnes incarcérées. Dans ses recommandations en urgence, la CGLPL s’alarmait en effet des graves carences affectant l’accès aux soins, tant somatiques que psychiatriques, des personnes détenues au centre pénitentiaire de Gradignan ainsi que du manque de moyens humain et matériel de l’unité sanitaire. Elle constatait également que « chaque jour, ce sont dix à quinze patients programmés en consultation à l’unité sanitaire qui ne s’y présentent pas et de nombreux rendez-vous sont reportés » et pointait les difficultés rencontrées par les personnes détenue pour obtenir la mise en œuvre des extractions médicales : sur les cinq premiers mois de l’année 2022, 440 extractions ont été annulées sur les 817 programmées, soit un taux de 54% d’annulation. A cet égard, l’autorité de contrôle dénonçait « une forme d’ingérence de l’administration pénitentiaire dans l’élaboration des diagnostics et des protocoles arrêtés par les soignants (…) : la gravité de situations cliniques jugées urgentes par le personnel de l’Unité sanitaire a ainsi pu être minimisée, et des extractions médicales retardées ou annulées d’autorité. »

 

A la lumière ces graves constats, le juge des référés du tribunal administratif a donc en outre ordonné :

  • de mettre fin à son interférence dans la mise en œuvre des prescriptions et décisions médicales concernant les détenus et s’agissant des extractions médicales, à tout retard ou annulation non justifiée par des motifs de sécurité ;
  • de procéder au renforcement des moyens matériels et humains de l’équipe médicale, notamment en prenant toute mesure pour garantir la présence à tout moment d’une personne compétente pour assurer les premiers soins, y compris la nuit et le week-end ainsi qu’une présence d’un médecin psychiatre plus effective.

 

Les organisations requérantes engageront désormais les démarches et procédures nécessaires pour veiller à l’exécution diligente des injonctions formulées par le juge des référés.

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