Le 22 juin dernier, un cabinet d’avocats était lourdement condamné par la Cour d’appel de Montpellier pour discrimination en raison de la grossesse à l’égard d’une consœur qui avait eu le courage de porter son affaire devant la justice ordinale[1].
Le 28 juin, à l’issue d’une audience disciplinaire du Conseil de l’Ordre de Paris, un confrère était quant à lui condamné à une interdiction temporaire d’exercice de neuf mois, dont sept avec sursis, pour avoir manqué aux principes essentiels de la profession en commettant un harcèlement moral sur de nombreu.x.ses collaboratrices.eurs et salarié.es[2]. La bâtonnière, qui avait requis un an d’interdiction ferme, a interjeté appel de la décision.
Le 6 juillet, le journal Mediapart annonçait le renvoi en correctionnelle d’un avocat à l’issue d’une enquête pour harcèlement moral et sexuel à l’encontre d’anciennes collaboratrices et stagiaires. Il avait été condamné à une interdiction temporaire d’exercice de dix-huit mois en janvier 2022 dans le cadre de la procédure disciplinaire instruite sur ces mêmes faits[3].
Ces trois décisions, non définitives, quasi concomitantes et concernant des faits et des auteurs distincts, confirment l’existence du harcèlement et de la discrimination de genre au sein de la profession d’avocat, étant rappelé que, selon l’enquête du Défenseur des Droits de mai 2018, « jeune et largement féminisée, la profession d’avocat·e se caractérise par des inégalités marquées entre les femmes et les hommes, qu’il s’agisse des statuts d’exercice, des secteurs d’activité et des revenus. »
Le SAF salue le fait qu’enfin des sanctions concrètes soient prises en la matière par les instances ordinales et les juridictions. Associées à un réel travail de communication et de prévention tel qu’initié notamment par la commission Egalité du CNB, ces décisions laissent espérer que désormais l’impunité ne sera plus la règle.
Mais nous devons rester vigilants à l’égard d’instances dont l’inertie a montré, par le passé et encore souvent aujourd’hui, qu’elles ne protégeaient pas efficacement les victimes d’agissements harcelants et/ou discriminatoires.
C’est pourquoi, le SAF milite pour :
- La sensibilisation et la formation à ces questions dès l’école d’avocat et tout au long de la carrière est impérative ;
- Le strict respect, par tout.e avocat.e dans l’exercice de ses fonctions, quel que soit son statut, du principe d’égalité et de non-discrimination instauré par la loi du 27 mai 2008 y compris pour les professions libérales et rappelé à l’article 1.3 du RIN ;
- La désignation, au sein de chaque Barreau de référents harcèlement/discrimination formés à l’écoute des plaignant.es et au droit applicable, et chargés d’informer ces derniers sur leurs droits et les procédures qui leurs sont ouvertes ;
- Une formation juridique des consœurs et confrères amené.es à connaître de telles affaires dans le cadre de médiations, procédures disciplinaires ou d’arbitrage par le.a Bâtonnier.ère ;
- Des sanctions « effectives, proportionnées et dissuasives » (selon les termes de la Directive européenne du 27 novembre 2000) à l’encontre des auteurs et responsables dès lors que les faits sont caractérisés à l’issue d’une procédure contradictoire, parmi lesquelles doit figurer l’interdiction de recruter des collaboratrices.eurs et/ou des stagiaires[4].
- La réparation intégrale des préjudices des victimes doit être assurée.
Ce n’est que lorsque ces principes et bonnes pratiques seront pleinement et collectivement mis en œuvre, tout particulièrement par les Ordres, que la profession luttera efficacement contre le harcèlement moral, les discriminations et cette oppression aussi ancienne qu’inacceptable qu’est le sexisme sous toutes ses formes.
[1]CA Montpellier, 22 juin 2022, n° 21/06271, 1ere chambre sociale
[2]https ://www.liberation.fr/societe/police-justice/harcelement-lavocat-emmanuel-pierrat-condamne-a-deux-mois-dinterdiction-dexercer-apres-une-enquete-de-libe-20220706_VCTUD3KLJZGK5PQR3JIXWRZJKE/
[3]https ://www.mediapart.fr/journal/france/060722/harcelement-sexuel-et-moral-un-influent-avocat-renvoye-en-correctionnelle
[4]Selon l’enquête du DDD, 87,2 % des avocates et 76,1 % des avocats interrogés demandent de « faire en sorte que les ordres instruisent et sanctionnent plus les situations de discrimination