Le Conseil d’Etat vient de refuser de suspendre l’exécution du décret du 30 janvier 2019 autorisant le fichage des mineur·e·s isolé·e·s. Nos organisations restent déterminées à mettre fin à ce qui constitue une atteinte grave aux droits de l’enfant.
Par décision du juge des référés rendue ce jour, le Conseil d’Etat a refusé la suspension du décret instituant le fichier dit AEM (Appui à l’Évaluation de la Minorité). Tout en reconnaissant l’urgence à statuer, il considère cependant qu’il n’existe pas de doute sérieux sur la légalité du décret contesté.
Dans sa décision, le juge des référés se fonde principalement sur l’argumentation du ministère de l’intérieur. Ce faisant, l’intérêt supérieur de l’enfant est ignoré, et cette décision est une occasion manquée d’offrir, à défaut d’une suspension, des garanties d’application à ce décret litigieux dans l’attente du recours au fond.
Cette décision constitue un feu vert pour le déploiement du dispositif au niveau national, alors même que dans les départements-pilotes (Isère, Essonne et Bas-Rhin), on constate déjà ses effets délétères et des atteintes au principe de présomption de minorité pour les enfants et adolescents étrangers :
- Un effet dissuasif sur celles et ceux se présentant à l’aide sociale à l’enfance et qui, inquiets de devoir se présenter à la préfecture, se détournent de la protection qui leur est due et sollicitent des dispositifs de veille sociale qui n’ont ni la compétence ni les moyens de répondre à leurs besoins de protection
- Une absence de garanties dans la mise en œuvre de cette procédure : absence de document remis aux jeunes, aucun interprétariat, pas d’accompagnement du jeune en préfecture.
Si nos organisations n’ont pas obtenu du Conseil d’État qu’il suspende l’exécution de ce décret pour mettre fin à l’expérimentation en cours et empêcher son déploiement à l’ensemble des départements, elles n’en restent pas moins mobilisées et continueront de dénoncer le fichage de mineur·e·s à d’autres fins que celles liées à leur protection.
Le Conseil d’Etat doit maintenant examiner la demande d’annulation du décret formulée par nos organisations.
Nous espérons en outre qu’une question prioritaire de constitutionnalité puisse être présentée au Conseil constitutionnel contre l’article de loi qui a introduit cette disposition dans le Code des étrangers et du droit d’asile, pour enfin reconnaitre qu’elle porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.