PUBLIÉ LE 15 octobre 2021

Après les chantiers de la Justice en 2017, la loi de programmation et de réforme de la justice adoptée en mars 2019, voilà que débutent le 18 octobre les états généraux de la Justice dans le plus grand flou : les thématiques ni les modalités de leur organisation ne sont connus à la veille de leur ouverture.

A six mois de l’élection présidentielle et alors même que la loi confiance dans l’institution judiciaire n’est pas définitivement votée, des Etats généraux viendraient « dresser un état de la situation de la Justice en France et formuler des propositions concrètes pour mettre la Justice au centre du débat démocratique » indique le service presse de l’Elysée.

Le diagnostic est pourtant posé depuis près de vingt ans  !

Malgré une augmentation du budget consacré à l’institution judiciaire depuis dix ans, la France demeure l’un des pays d’Europe qui investit le moins à sa Justice : moitié moins de juges que la moyenne européenne (10,9 juges en France contre 21,4 en Europe pour 100 000 habitants), quatre fois moins de procureurs (3 parquetiers en France contre 12 en Europe), 69,51 euros par an et par habitant contre 84,13 euros en moyenne pour les pays d’Europe comparables à la France, soit 0,20% du PIB consacré pour la Justice en France contre 0,32% en moyenne chez nos voisins.

Au quotidien, cela se traduit par des délais déraisonnables de traitement des litiges, des plaintes, des procédures, des audiences et des délibérés, mais aussi par une constante obsession pour la gestion des stocks et un exercice dégradé de toutes les missions, et ce dans toutes les matières, ce qui engendre une souffrance au travail grandissante chez l’ensemble des acteurs judiciaires.

Avocats, magistrats, greffiers et personnels de justice sont confrontés à une perte de sens de leurs missions, confrontés, chacun à leur niveau, à l’unique objectif de gestion quantitatif des dossiers et des procédures.

Les attentes des citoyens que ces états généraux doivent permettre de révéler au Gouvernement sont également parfaitement identifiées par ceux et celles qui, chaque jour, sont confrontés à la détresse des justiciables qui ne demandent qu’à être dignement traités par une institution qui aurait le temps de les écouter, de trancher leurs litiges dans des délais raisonnables, de rendre des décisions intelligibles et qui puissent être exécutées.

Les solutions sont connues.

Pour que la Justice ait le temps de faire son travail, dans des conditions qui respectent la dignité de celles et ceux qu’elle juge sans maltraiter ceux et celles qui la rendent ou y collaborent, elle a besoin de moyens, humains et matériels.

Or depuis cinq ans et pour des considérations budgétaires, le Gouvernement a préféré l’embauche de contractuels précaires, « les sucres rapides », qui ne devaient venir soutenir l’activité des juridictions que de façon temporaire, plutôt que de former et recruter des magistrats et de greffiers qualifiés.

La loi est devenue outil de communication, sans considération pour les répercussions des réformes successives, sans que l’impact de la précédente ne soit connu au jour de l’adoption de la suivante.

Les déclarations d’inconstitutionnalité se succèdent sans entrainer la moindre remise en question.

Les ambitions de simplification ne sont souvent que le prétexte à une réduction des droits et de l’accès au juge.

Prendre les citoyens à témoins, faire mine de les consulter sur un constat établi, connu et documenté, pour justifier de privilégier l’inertie à l’action, c’est insulter leur intelligence et mépriser les professionnels épuisés d’une Justice à bout de souffle.

La justice plutôt que d’être instrumentalisée au gré des campagnes électorales, a besoin d’une vision, d’une ambition au service des garanties démocratique qu’elle incarne .

Partager