Il y a quelques jours, des député•es réactionnaires déposaient une proposition de loi visant à interdire la féminisation des noms de profession et à punir l’usage de la langue inclusive d’une amende considérable. Il ne s’agit pas d’une première : près de huit propositions ont été faites dans ce sens depuis 2021, sans succès.
Bannir la femme et réprimer son inclusion. Beau programme. Inspiré peut-être des USA de Trump ?
En réalité personne n’est dupe.
Cette nouvelle proposition de loi, suit à l’évidence un agenda politique qui n’a aucun lien avec la prétendue préservation de la langue française, de son histoire ou de ses coutumes, et pour cause, elles ne sont pas attaquées.
Cette proposition n’est pas sérieuse, aucun objectif réel de fond n’y est rattaché.
Cette proposition n’a qu’un but : mettre en lumière les thématiques réactionnaires de l’extrême-droite et de la droite conservatrice dans notre pays, thématiques comprenant le maintien de représentations culturelles et mentales sexistes et inégalitaires qui sont en réalité ici, des mèches à allumer.
Point d’amour de la langue, de la littérature, cette proposition de texte est un prétexte grossier.
Car nous savons toutes et tous que l’écriture inclusive est parfaitement lisible et compréhensible : l’emploi de la double flexion (« citoyens, citoyennes »), d’adjectifs ou de noms épicènes (par exemple « bénéficiaires » au lieu « d’assurés et assurées »), de tournures de phrases neutres, de la règle de l’accord majoritaire… n’obèrent aucunement la qualité du langage et permettent une meilleure représentativité du corps social. Féminisé.
C’est à la portée de toutes et tous, pour peu qu’on en ait la volonté. Et cette volonté, qui ne nuit à personne, relève aussi de la liberté d’expression.
Nous savons aussi que de nombreux travaux, notamment en neuropsychologie, ont établi des liens, depuis plusieurs décennies entre l’absence de modification du langage et la facilitation du risque de négation des droits humains sociaux des personnes ou groupes rayé•es du domaine du langage. Que ce soit à l’égard de communautés religieuses, ou de communautés de genre, le langage a une grande importance et contribue à façonner notre vision et notre pensée du monde.
Nous le savons si bien que notre profession, très largement féminisée, a adopté dans son Règlement Intérieur National la féminisation de la profession : l’usage des termes « avocatE » et « Consoeur » est désormais non seulement officiellement accepté mais encore, doit être favorisé. Cela afin de rendre compte de la réalité de la féminisation de nos rangs et afin de visibiliser davantage les femmes parmi nous. Un effort supplémentaire pourrait d’ailleurs consister à tendre vers une rédaction de ce règlement en écriture inclusive. Le SAF pour sa part, a décidé de féminiser ses statuts et de les adapter en écriture inclusive lors de son dernier congrès.
Ainsi, aux yeux des rédactrices et rédacteurs de ce projet de loi, la profession et le SAF en première ligne, seraient doublement coupables : de féminisation et d’inclusion.
Bien que cette culpabilité potentielle nous honore et que le montant des amendes faramineuses proposées permettrait peut-être de redresser le budget catastrophique de la Justice, nous appelons nos Consœurs et Confrères, nos institutions représentatives, à s’engager à nos côtés, non seulement pour s’opposer à ce faux débat qui n’a d’autre visée que de communiquer sur la pensée rétrograde et sexiste de la droite et son extrême, mais encore à se battre contre cette tentative de criminalisation de l’écriture inclusive, à s’attacher à défendre une féminisation désormais acquise mais également à réfléchir à promouvoir ces formulations à chaque fois que cela sera possible dans notre profession.
Le SAF (Syndicat des Avocat•es de France)