Depuis plusieurs jours, le service de sécurité de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) filtre les personnes qui entrent dans la juridiction.
Au prétexte de faciliter l’accès aux personnes convoquées, des visiteurs venus assister à des audiences ont été priés de patienter plusieurs heures. D’autres ont en revanche été autorisés à accéder à la Cour sans justifier d’une convocation et ce, sur des critères obscurs mais présentant toutes les apparences d’une sélection « au faciès ».
Ce filtrage, qui vise à décourager la présence de personnes « qui n’auraient rien à faire à la CNDA » selon les explications données par un agent des services de sécurité, est effectué en vertu d’instructions du pôle sécurité sûreté de la Cour et serait appliqué depuis plusieurs semaines.
Il prolonge et formalise une pratique déjà constatée par les visiteurs et auxiliaires de justice familiers de la CNDA : interrogations sur les motifs de venue du public, limitation des places dans les salles d’audience, contrôle poussé à la sécurité, dégradation des conditions d’accueil du public…
La délocalisation d’audiences au palais de justice de Paris depuis mars 2019 n’a fait qu’aggraver cette tendance : les salles dédiées au contentieux de l’asile n’offrent que très peu de places assises, faisant obstacle à ce que le public puisse assister aux audiences.
Règle fondamentale de l’organisation judiciaire, la publicité des débats est exigée tant par l’article 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme que par les articles 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, et 14 du Pacte de New York relatif aux droits civils et politiques. Érigée en principe général du droit par un arrêt du Conseil d’État du 4 octobre 1974, sa nécessité a été confirmée en matière d’asile par l’article L. 733-1-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Elle contribue à garantir l’impartialité d’une justice rendue « au nom du peuple », et implique que toute personne ait accès à la salle d’audience, sans avoir à justifier d’aucun motif et sans s’exposer à un « tri » sur quelque critère que ce soit, a fortiori « au faciès ».
La Cour voudrait-elle soustraire ses pratiques au regard d’un certain public ? Ce faisant, elle ne violerait pas seulement l’un des principes les plus essentiels d’une justice démocratique : elle aggraverait encore les conditions, déjà très dégradées, dans lesquelles celles et ceux qui ont besoin d’une protection internationale voient instruire leurs demandes et juger leurs recours.
Signataires :
- Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE)
- Coordination française pour le droit d’asile (CFDA)
- Syndicat des avocats de France (SAF)
- Syndicat de la magistrature (SM)