La Cimade, le Gisti, la Ligue des droits de l’Homme et le Syndicat des avocats de France ont saisi le tribunal administratif de Poitiers suite à la récente décision de la préfecture de rendre obligatoire l’obtention d’un rendez-vous par Internet pour demander un titre de séjour. Il est de plus en plus fréquent que les préfectures soient condamnées pour leurs pratiques abusives en la matière.
Le 27 novembre 2019, le Conseil d’État rendait une décision limpide : la réglementation « ne saurait avoir légalement pour effet de rendre obligatoire la saisine de l’administration par voie électronique ». Ainsi, il est illégal qu’une administration contraigne son public à utiliser Internet pour accomplir tout ou partie de ses démarches.
Pourtant le 3 décembre 2020, la préfecture de la Vienne informe ses usagers et usagères qu’un certain nombre de catégories de première demande de titre de séjour ne pourront désormais être déposées qu’après l’obtention d’un rendez-vous via le téléservice démarches-simplifiées.fr.
Sont par exemple concerné·es les parents d’enfant français, les personnes faisant valoir le respect de leur vie privée et familiale, les personnes gravement malades… Les personnes devant renouveler leur titre de séjour sont elles aussi contraintes d’obtenir un rendez-vous en ligne. Lorsque des dates sont proposées, elles sont souvent lointaines, pouvant aller jusqu’à 5 à 6 mois d’attente.
Un recours a donc été déposé ce matin par nos organisations, comme ceci avait déjà été fait en mai 2020 devant le tribunal administratif de Rouen suite à une décision similaire de la préfecture de Seine-Maritime. Cette action juridique avait abouti au retrait immédiat par la préfecture de sa décision illégale. Dans d’autres départements, les tribunaux ont également à de nombreuses reprises sanctionné les pratiques illégales en matière de dématérialisation, suite à de nombreux référés déposés par des personnes ne parvenant pas à obtenir de rendez-vous malgré des semaines ou des mois de tentatives de connexions. Dans les Hauts-de-Seine par exemple, la préfecture a été récemment condamnée à verser plus de 11 000 euros en remboursement des frais de justice des requérant·es.
La dématérialisation imposée pour accéder au guichet des préfectures est devenue la difficulté centrale d’accès aux droits de nombre de personnes étrangères, presque partout en France. Malgré la décision du Conseil d’État, les pratiques préfectorales perdurent, obligeant les personnes à agir en justice pour pouvoir déposer des demandes de titres de séjour ou en obtenir le renouvellement. Combien de contentieux faudra-t-il que nos organisations engagent encore, préfecture par préfecture, pour que la réglementation soit respectée et que la dématérialisation soit proposée et non imposée aux usager.es ? Quand les préfectures proposeront-elles des modalités de dépôt des demandes respectueuses des droits des personnes ?