Le décret n°2020-508 du 2 mai 2020 permet de raccourcir les délais de consultation des CSE concernant la plupart des décisions de l’employeur qui ont pour objectif de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19, y compris lorsqu’elles comportent des aspects intéressant la sécurité et la santé au travail. La réduction est drastique : d’une durée de 1 à 3 mois, la procédure d’information consultation passe à une durée de 8 à 12 jours maximum.
Comme il fallait s’y attendre, les conséquences sont déjà visibles : dans le l’entreprise de presse Groupe Moniteur, filiale d’Infopro Digital par exemple, les délais ne sont clairement pas tenables et ne permettent pas de dialogue social.
Permettre aux sociétés de dialoguer avec le CSE uniquement en deux réunions sur la base d’une expertise qui doit être réalisée matériellement en maximum 5 jours sur les questions complexes que sont les mesures à prendre pour protéger la sécurité des salariés dans les entreprises face au COVID (impliquant des aspects techniques sur la climatisation notamment et RPS) c’est tuer le dialogue social. Au contraire le rôle des organisations syndicales, et instances représentatives du personnel devrait être renforcé lorsqu’est en jeu la santé voire la vie des travailleurs et de leurs proches en cette période de pandémie.
Le CSE et l’expert de Groupe Moniteur ont déposé une requête devant le Tribunal Judiciaire de Nanterre pour faire juger que l’intégralité des pièces nécessaires à l’analyse de la situation n’ont pas été communiquées par la direction et que le délai raccourci à 11 jours ne permet pas un dialogue social . S’agissant à notre connaissance du premier litige relatif à cette problématique des délais fixés par le décret du 2 mai 2020, nos organisations ont décidé d’intervenir volontairement au soutien de leurs demandes, en particulier celle consistant à voir écarter les délais prévus par ce décret, en ce qu’ils portent atteinte au droit des salariés à une consultation utile, au droit à la santé et au droit à un recours utile, droits protégés par la loi française telle qu’interprétée à la lumière du droit européen.
L’audience se tient le 27 mai à 5 heures devant le Tribunal Judiciaire de Nanterre.
Il faut bien comprendre ici que la préoccupation de nos organisations est la protection des travailleurs et travailleuses. Nous dénonçons que des facilités juridiques exceptionnelles accordées aux employeurs, leur permettant, aux motifs de la nécessité de la reprise économique de ne pas permettre une vraie concertation sociale pourtant essentielle à la lutte contre la propagation du covid-19.
Plutôt que bâcler la consultation des instances, les entreprises devraient plutôt, comme l’a suggéré la Cour d’appel de Versailles dans la récente affaire Amazon « procéder à une évaluation des risques de qualité à la hauteur des enjeux d’une pandémie, selon une approche pluridisciplinaire et en concertation étroite avec les salariés, premiers acteurs de leur sécurité sanitaire », c’est-à-dire en y associant vraiment les représentants du personnel.
La reprise de l’activité économique dans le pays ne peut et ne doit pas se faire sans un véritable dialogue social.