Le juge des référés du Conseil d’État vient de rejeter les recours engagés par l’ordre des avocats au barreau de Paris et l’ordre des avocats au barreau de Marseille pour réclamer du matériel sanitaire et ainsi assurer la protection des avocats dans l’exercice de leur profession ainsi que celle de l’ensemble des justiciables et des personnels de justice.
Soutenus par le Syndicat des Avocats de France, l’ensemble de la profession, ainsi que par le Défenseur des Droits, ils demandaient du gel hydro- alcoolique et des masques de protection, éléments indispensables pour lutter contre l’épidémie de Covid19 et assurer le bon fonctionnement de l’institution judiciaire malgré la crise sanitaire.
Pour la 42ème fois depuis le début de l’état d’urgence, un juge, seul, dans une institution censée veiller aux libertés fondamentales, prend la responsabilité de rejeter des prétentions légitimes des acteurs essentiels de la justice.
Il dessine toutefois une avancée de principe majeure : il reconnait que les avocats, dans toutes les fonctions dont ils ont la charge « concourent au service public de la justice ». Ce principe, fermement défendu par le Syndicat des avocats de France notamment à l’occasion de ce recours, devra être désormais pris en compte par le gouvernement.
Le Juge du Palais Royal rappelle en effet qu’il appartient à l’État d’assurer le bon fonctionnement des services publics dont il a la charge et qu’à ce titre, il doit dans les hypothèses inévitables de contacts étroits et prolongés, mettre à disposition des équipements de protection, lorsque ceux qui y participent, donc les avocats, n’en disposent pas eux-mêmes.
Mais dans la confusion de son rôle de conseil de l’exécutif et de juge de la légalité de l’action du gouvernement, les obligations qu’il met à la charge de l’Etat sont à géométrie variable : elles dépendent des moyens dont disposerait actuellement l’administration…
Ainsi faute de masques, le Conseil d’Etat se borne une fois de plus à prendre acte des mesures prises par l’Etat pour gérer la pénurie persistante, sans aucun élément justificatif, ni même interroger ses capacités à réquisitionner les stocks importés par les collectivités locales et surtout par les entreprises privées !
Son refus d’apprécier in concreto les conditions de sécurité sanitaire et de protection des avocats dans les locaux de garde à vue, sans confronter les notes de services de l’administration à la réalité de terrain, est également révélateur de la présomption de crédibilité qu’il accorde systématiquement à l’exécutif.
En l’absence de pénurie de gel, le Conseil d’état se montre plus exigeant : les chefs de juridiction doivent mettre à notre disposition du gel hydro-alcoolique dans tous les palais de justice.
Ainsi, au nom d’une pénurie prise pour acquise, le Palais Royal renvoie les auxiliaires de justice à se débrouiller par eux-mêmes pour trouver des masques de protection sanitaire dans un environnement marchand où règnent pour le moins confusion et opacité, tout en recommandant aux pouvoirs publics de faciliter l’accès des barreaux et des institutions représentatives de la profession aux circuits d’approvisionnement.
Le Conseil d’Etat manque une fois de plus l’occasion historique dans cette période inédite de s’affirmer comme un véritable contre-pouvoir. Dont acte.
Il nous revient désormais via nos ordres d’exiger des chefs de juridictions la mise à disposition de gel hydro-alcoolique dans chaque salle d’audience et du gouvernement qu’il permette aux barreaux d’accéder aux circuits d’approvisionnement pour l’achat de masques. Une fois la pénurie de masque résorbée, l’Etat devra les mettre à notre disposition gratuitement.
Enfin le combat continue pour que nos interventions dans les locaux de garde à vue respectent tout à la fois les règles de sécurité sanitaire et les droits de la défense.