Le SAF et bon nombre d’organisations professionnelles ont déposé la semaine dernière un référé liberté devant le Conseil d’État contre l’ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de procédure pénale durant l’état d’urgence sanitaire.
Cette ordonnance et sa circulaire d’application autorisent rien de moins que la prolongation de plein droit -sans intervention d’un juge – de tous les mandats de dépôt arrivant à expiration, quelle que soit la durée déjà écoulée de la détention provisoire. Elle ouvre également aux magistrats la possibilité de tenir, sans limitation tenant à la nature du contentieux et sans l’accord des parties, une audience par téléphone, ou encore de prolonger la garde à vue d’un mineur sans présentation devant un juge.
Autant de mesures qui portent une atteinte manifestement illégale aux libertés les plus fondamentales comme aux principes cardinaux de la procédure pénale : droit à un procès équitable, droits de la défense, droit à la sûreté et à la protection supérieur de l’enfant.
Et pourtant, aux termes d’une ordonnance de tri, le juge des référés balaie une douzaine de moyens pour conclure pudiquement que « la demande en référé n’est pas fondée ».
Le Conseil d’État a ainsi fait le choix de valider à juge unique les dispositions controversées de cette ordonnance alors qu‘il aurait pu faire usage des dispositions de l’article L. 522-1 du code de justice administrative permettant l’examen du dossier par une formation collégiale, le cas échéant éclairée par des conclusions de rapporteur public.
D’autant que sur son site le Conseil d’État rappelle que « Dans certains cas, l’ampleur et la difficulté des questions posées conduit le juge des référés à renvoyer le jugement de la requête à une formation collégiale« .
Il faut se rendre à l’évidence, pour les juges du Palais Royal, la question de l’équilibre entre les libertés fondamentales et les mesures exceptionnelles pour faire face à la continuité de la justice pénale durant l’état d’urgence sanitaire, ne présente ni importance, ni ampleur ni difficulté.
C’est donc sans audience que le Conseil d’État a validé le principe de la prolongation sans juge des délais de détention provisoire. En matière de droits fondamentaux et de liberté durant l’État d’urgence sanitaire, le message du Conseil d’État est assez clair : circulez y’a rien à voir !