C’est avec émotion que le Syndicat des avocats de France et l’ensemble de ses militants expriment leur soutien et toute leur solidarité aux victimes des attentats terroristes du 13 novembre dernier ainsi qu’à leurs proches.
Face à ces attaques inqualifiables et inédites, la France a le devoir de se défendre.
Mais elle doit s’interroger sur les mesures à prendre pour relever le défi démocratique de protéger dans un même temps la sécurité de tous ses habitants et leurs libertés.
Nous n’oublions pas que c’est au nom de la haine de l’autre et du rejet de ces libertés qui fondent notre espace commun de vie que des femmes et des hommes ont été abattus et blessés sans distinction de leur nationalité, de leurs convictions religieuses et de leurs origines.
Or l’Etat de droit, est un équilibre fragile entre respect des droits fondamentaux et sauvegarde de l’ordre public, équilibre protégé et contrôlé par des garanties juridictionnelles. L’état d’urgence lui, a pour objet d’autoriser ce que l’Etat de droit interdit.
Les lois successives sur la sécurité, le renseignement et l’anti-terrorisme qui n’ont pourtant pas permis d’éviter ces attaques ainsi que les propositions actuelles du Chef de l’Etat d’accroître dans l’urgence les pouvoirs de l’exécutif (Etat d’urgence et révision constitutionnelle) sont inquiétantes en ce qu’elles accentuent encore la dérive vers la constitution d’un Etat policier, sans contre-pouvoir effectif. Elles sont une menace pour les libertés fondamentales.
Dès lors, toute restriction des libertés ne doit concerner que les personnes sérieusement suspectées et ne peut se faire que dans un cadre strict de proportionnalité, décidée par un juge et permettant un exercice effectif du contradictoire et des droits de la défense. C’est pourquoi, la lutte contre le terrorisme doit être placée sous le contrôle du pouvoir juridictionnel et ne doit pas être laissée aux seuls représentants de l’Etat ou au Ministre de l’Intérieur.
Des moyens humains supplémentaires doivent être attribués aux services de justice et de police pour assurer leurs missions de lutte contre le terrorisme, dans le respect des libertés fondamentales. Les services de renseignement doivent se concentrer sur l’essentiel et les prérogatives qui leur ont été données en matière de contrôle économique et politique par la récente loi renseignement, sans rapport avec les risques encourus par les citoyens habitant en France, doivent être retirées.
Les contrôles aux frontières ne sauraient empêcher à ceux qui fuient aujourd’hui la guerre et le terrorisme dans leur pays de venir se réfugier en France.
En outre, les mesures qui accentuent les stigmatisations de certains français, telle la déchéance de nationalité, sont sans effet et contreproductives.
Tous les moyens doivent également être mis en œuvre pour lutter contre tout extrémisme et toute stigmatisation au sein de la société, par des politiques sociales et éducatives, ambitieuses, protectrices et égalitaires.
Enfin, il est regrettable qu’aucun débat transparent ne soit aujourd’hui possible pour discuter des mesures de sécurité qui sont mises en œuvre par les pouvoirs publics. Dans ces situations exceptionnelles, il est essentiel que des institutions indépendantes (CNIL, CNCTR, CNCDH, Défenseur des droits, Contrôleur des lieux de privation de libertés, par exemple) puissent disposer des compétences, des moyens et de toutes informations nécessaires pour contrôler l’efficience des mesures de sécurité. Le secret défense ne devra plus leur être opposé.
Porter atteinte aux libertés pour lutter contre le terrorisme, c’est précisément faire le jeu du terrorisme. La Liberté est notre bien le plus précieux, c’est elle qui est attaquée et qu’il nous faut préserver.