PUBLIÉ LE 15 septembre 2022

A ce jour, près de 200 enfants français et leurs mères sont détenus dans ces camps où leurs conditions de vie sont effroyables, et ce, depuis trois ans.

Malgré les demandes insistantes des familles en France et les prises de position de la Défenseure des droits de l’homme, de la commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), des organisations de défense des droits humains et des organismes des Nations unies en faveur du rapatriement les enfants et leurs mères, la France persiste dans une cruelle approche casuistique, en ne rapatriant que 7 enfants français en 2021 puis seulement 35 enfants et 16 mères le 5 juillet 2022.

Le 24 février 2022, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies a considéré que le refus de la France de rapatrier les enfants violait leur droit à la vie et les exposait à un traitement inhumain.

Par un arrêt de Grande Chambre, rendu ce 14 septembre 2022, dans l’affaire H.F. et autres c. France (requêtes no 24384/19 et n° 44234/20), la Cour européenne des droits de l’homme conclut à la violation par  la France l’article 3 § 2 du Protocole n° 4 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et apporte des réponses importantes sur le plan juridique.

La Cour refuse de consacrer un droit général au rapatriement.

Pour autant, elle considère que la France a une obligation positive découlant de l’article 3 § 2 du Protocole n° 4 de garantir l’exercice effectif du droit d’entrer sur son territoire en prévoyant des « garanties appropriées contre le risque d’arbitraire » et d’un « examen individuel approprié par un organe indépendant chargé d’en contrôler la légalité ».

La Cour indique notamment que :

–  si les ressortissants français détenus illégalement en Syrie ne relevaient pas de la juridiction de la France concernant le grief de torture tiré de l’article 3 de la Convention, il existait néanmoins des « circonstances exceptionnelles propres à établir un lien juridictionnel entre l’État français et ces-derniers » concernant l’interdiction de priver une personne du droit d’entrer sur le territoire de l’État dont elle est la ressortissante ;

– ces « circonstances exceptionnelles » sont notamment caractérisées par le fait que (i) les requérants ont effectué plusieurs demandes officielles de retour et d’assistance auprès des autorités nationales, (ii) que ces demandes ont été formulées en raison des menaces sur la vie et l’intégrité physique des ressortissants français tant en raison des conditions de vie et de sécurité dans les camps, incompatibles avec le respect de la dignité humaine, que de la situation d’extrême vulnérabilité dans laquelle ils se trouvaient, en raison de leur âge et de leur santé, (iii) les intéressés ne sont pas en mesure de quitter les camps ou l’endroit où ils seraient détenus sans l’assistance des autorités françaises, se trouvant dans l’impossibilité matérielle de rejoindre la frontière française ou une autre frontière étatique de laquelle ils seraient remis à aux autorités françaises ;

Enfin, pour la première fois, la Cour aborde la question des « actes de gouvernement« [1]. Cependant, et contrairement à ce qui était sollicité par les requérants, elle ne se prononce pas sur la compatibilité de cette théorie jurisprudentielle avec les normes essentielles de la Convention mais insiste sur la nécessité d’un contrôle effectif et indépendant.

Ainsi, la Cour condamne la France et lui demande de reprendre l’examen des demandes des requérants en l’entourant de garanties appropriées contre l’arbitraire telles que précisées dans son arrêt.

Alors que les autorités kurdes ont indiqué leur volonté de remettre les femmes détenues de nationalité française et leurs enfants aux autorités françaises et que la Belgique, la Finlande et le Danemark ont décidé de rapatrier l’ensemble de leurs ressortissants, le SAF appelle le gouvernement français à respecter ses engagements au titre de la convention internationale aux droits de l’enfant et de la convention européenne des droits de l’homme en procédant au rapatriement des ressortissantes françaises et leurs enfants retenus dans le nord-est syrien.

 

 

 

[1]L’acte de gouvernement est une notion dégagée par la jurisprudence qui correspond à un acte émanant des hautes autorités administratives ou gouvernementales françaises et qui est insusceptible de tout contrôle juridictionnel,

Partager