Malgré les protestations et les mises en garde venant de tous bords : du monde associatif, des universitaires, des syndicats d’avocats et de magistrats, de la CNCDH au Défenseur des droits, la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, adoptée par le Parlement le 18 octobre 2017, est entrée en vigueur le 1er novembre 2017, pour succéder à l’état d’urgence dont la fin n’est qu’un trompe-l’œil.
Cette date marque un tournant historique, dont on ne mesure sans doute pas encore l’immense danger. Cette loi contient en effet un risque majeur de rupture de l’unité nationale, favorisé par le ciblage d’une partie de la population mais aussi par celui d’un effet de contamination à toute la population, laquelle pense que ça n’arrivera qu’aux autres. Grave erreur. Si elle touche l’autre, elle nous touchera tous, tôt ou tard. S’il fut une époque où la France a fait souffler un vent de liberté en Europe et ailleurs dans le monde, elle poursuit aujourd’hui d’une escalade sécuritaire dans une Europe tentée par le repli et déjà gagnée par la logique répressive.
Depuis une quinzaine d’années, les gouvernements successifs n’ont cessé d’empiler les textes répressifs et sécuritaires, sans que leur efficacité n’ait été démontrée. Rien ne permet de croire que cette addiction cessera demain, alimentée par des gouvernements successifs démagogues et sans courage.
La logique de suspicion et les nouveaux pouvoirs exorbitants de l’administration atteignent, avec cette loi, un degré inégalé nous faisant basculer de l’Etat droit à l’Etat de surveillance, selon l’expression de la professeure Delmas-Marty.
Des mesures privatives et restrictives des libertés majeures (restriction d’accès de circulation dans un certains périmètre, fermetures de lieux de cultes, assignation à résidence, perquisition et saisie) pourront être prises par l’administration sur la seule base de soupçons alimentés par des informations ou des renseignements dont personne ne pourra contrôler la provenance et le sérieux.
Le juge judiciaire, constitutionnellement garant des libertés, se trouve mécaniquement évincé au profit du juge administratif qui n’effectuera un contrôle qu’a posteriori. Si l’intervention en amont du juge judiciaire a été instituée pour l’une des mesures attentatoires aux libertés – la perquisition administrative rebaptisée opportunément visite ! – nul ne se fait d’illusion sur l’effectivité d’un contrôle effectué par un juge solitaire à qui l’administration agitera le risque d’un attentat.
Or, l’expérience du contentieux de l’état d’urgence a démontré la bienveillance dont jouit l’administration auprès de son juge naturel lequel offre un véritable blanc seing de légalité à la pratique contestable des notes blanches.
Le SAF qui a mis les libertés au cœur de ses combats, recourra à tous les moyens légaux pour faire échec à l’application de cette loi et luttera contre les dérives qui pourraient résulter de l’usage de ces nouveaux pouvoirs donnés à l’administration.
Il appelle toutes les forces démocratiques à rester mobilisées contre cette loi liberticide et à œuvrer en commun pour endiguer la poussée sécuritaire et restaurer l’équilibre rompu entre sécurité et liberté.