PUBLIÉ LE 9 décembre 2025

Notre société régresse à une vitesse vertigineuse sous l’effet de politiques qui sacrifient volontairement, texte après texte, les citoyennes et citoyens, tandis que les discriminations et les exclusions se banalisent, voire sont assumées.

Les services publics — piliers de la solidarité nationale — se désagrègent, et notamment celui de la justice, au profit d’une logique de rentabilité inspirée des méthodes des grandes entreprises. La doctrine de « l’efficacité à tout prix » s’impose partout, au mépris des droits et des libertés fondamentales.

La remise en cause de l’État de droit commence toujours par cibler les droits des plus vulnérables (femmes, enfants, précaires et minorités).

Le droit des personnes étrangères, miroir de la dégradation de l’État de droit

Le droit des personnes étrangères est l’un des laboratoires de la dégradation profonde de l’État de droit. Les réformes successives éloignent toujours davantage les personnes étrangères de leurs droits, de leur administration et de leur juge, les transformant en boucs émissaires idéaux.

Les politiques publiques multiplient les mesures liberticides et discriminatoires, tandis que la dématérialisation des démarches rend l’accès à l’administration quasi impossible et fabrique des sans-papiers.

La restriction des voies de recours et la généralisation des juges uniques, fragilisent encore la justice.

Parallèlement, les autorités organisent la traque et le fichage des personnes étrangères, dans une logique de suspicion généralisée.

Les projets et propositions de loi entretiennent la dérive sécuritaire et l’obsession de l’enfermement. Les défenseur·es des droits des personnes étrangères subissent à leur tour menaces, dénigrement et intimidations.

Manifestes dans le contentieux des personnes étrangères, ces dynamiques et entraves se retrouvent et se développent dans d’autres pans entiers du droit, principalement ceux concernant les plus précaires et vulnérables.

La déjudiciarisation ne cesse de croître, fragilisant l’État de droit

Une politique de plus en plus assumée tend à réserver l’accès à la justice, la garantie et la plénitude des voies de droit aux plus puissants, accélérant une véritable justice de classe.

Les pouvoirs de plus en plus larges sans contrôle effectif, donnés à l’administration ou à la police, en sont le symptôme.

Le recours aux juges est de plus en plus entravé.

L’avocat·e, figure suspecte d’un état de méfiance

Il ne peut y avoir d’État de droit sans avocat·e.

Il doit être accessible à toutes et tous, ce qui suppose une politique d’aide juridictionnelle ambitieuse et garante indispensable de l’accès aux juges.

Dans cette déliquescence des services publics et cette montée du mépris des droits, la place de l’avocat·e est attaquée. On l’accuse désormais de nuire à la sécurité publique, de freiner la lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée, de participer au laxisme face à la délinquance des enfants, ou encore de soutenir une immigration qualifiée « d’envahissante ». Le simple exercice de la défense, au profit de certaines catégories de justiciables, devient suspect.

En même temps qu’iel dérange, on veut instrumentaliser l’avocat·e ; de la violation du secret professionnel à la mise en place d’obligations de dénonciation : iel est exploité·e au service de la répression.

Les attaques contre les avocat·es, sont assumées y compris par les responsables politiques. Les affaiblir, les cibler en les assimilant à leur client·e, c’est porter atteinte à l’exercice même de la profession et aux droits de la défense.

L’accès des avocat·es aux administrations, aux juridictions et aux dossiers se restreint toujours plus. Dans ce climat, les avocat·es sont menacé·es, parfois agressé·es. Et lorsque, pour se défendre, iels saisissent la justice, elle ne prend pas la mesure de ces attaques.

Un État de droit nécessite une protection complète de l’avocat·e.

Des magistrat·es menacé·es et une justice sous pression

Le SAF s’inquiète également du traitement réservé aux magistrat·es. Les juges sont publiquement désigné·es à la vindicte, au-delà de leurs décisions, dans une stratégie méthodique de délégitimation du pouvoir judiciaire — garant de la démocratie.

Dans les médias et sur les réseaux sociaux, les mises en cause personnelles se multiplient, les campagnes de dénigrement se banalisent, et les intimidations prospèrent.

Ailleurs dans le monde, avocat·es et juges sont emprisonné·es.

Un État de droit international à construire et préserver

L’actualité nous rappelle que le droit international est fragile, largement dépourvu d’effectivité, dans le cadre de relations internationales, dont l’application est à géométrie variable.

Face à la recrudescence des crimes internationaux, le SAF revendique la création d’un véritable État de droit international.

Cela suppose l’adoption de sanctions en cas de violation pour en garantir l’effectivité.

Appliqué à la situation au Proche-Orient, le SAF :

  • Réitère la nécessité absolue de mettre fin au génocide en cours à Gaza ;
  • Exprime son soutien total au personnel et aux juges de la CPI ainsi qu’aux rapporteur·es spéciaux·ales de l’ONU visé·es par des sanctions américaines au seul motif qu’ils et elles travaillent à rendre effectifs ces droits ;
  • Exige de la France sa participation active à l’exécution intégrale et rigoureuse des décisions de la Cour internationale de Justice ce qu’elle a pour l’heure échoué à faire ;
  • Exige que la France, dans le cadre de son obligation de coopération, exécute les mandats d’arrêts internationaux émis par la Cour pénale internationale, notamment à l’encontre des dirigeants israéliens ;
  • Réaffirme que la dénonciation de violations graves du droit international a été le prétexte, en France et dans toute l’Europe, d’atteintes injustifiées à la liberté d’expression, à la liberté de manifester et à la liberté de défendre, auxquelles l’ensemble de ses membres continueront d’opposer une vigilance résolue. Cette exécution passe nécessairement par l’imposition d’un embargo total sur les armes vers l’État d’Israël, encourager la prise de sanctions économiques, commerciales et diplomatiques à l’encontre de responsables israéliens encourageant et participant à la commission de crimes internationaux dans l’État de Palestine.

Pour un État juste et solidaire

Le SAF continuera de défendre la nécessité de services publics effectifs et accessibles, garants de la dignité et de l’égalité afin de permettre :

  • Aux travailleuses et travailleurs, de bénéficier de conditions de travail garantissant leurs droits, leur dignité, leur sécurité et leur santé et de syndicats puissants ;
  • Aux personnes étrangères, de vivre dignement, de voir leur droit au séjour examiné par des administrations et des juges impartiaux·ales, et de ne pas être traitées comme des délinquant·es ;
  • Aux femmes et aux minorités de bénéficier d’une égalité réelle au-delà de l’égalité des droits ;
  • Aux personnes hospitalisées sans consentement, le respect de leurs droits et de leur humanité, trop souvent bafoués ;
  • Aux personnes détenu·es, de jouir pleinement du droit au respect de la dignité ;
  • Aux enfants, de bénéficier d’une protection réelle et adaptée, et d’une justice privilégiant l’éducatif, refusant toute mesure d’enfermement ;
  • Aux justiciables, d’obtenir une décision équitable dans un délai raisonnable ;
  • À chacune et chacun, de ne pas subir la pollution, la destruction des écosystèmes et l’inaction climatique et de vivre dans un environnement sain ;
  • À l’ensemble de la population, de bénéficier de dispositifs d’aide et de protection sociale de qualité (santé, retraite, …) et d’un logement décent.

Ces droits ne sont pas des privilèges : ils sont le socle de la démocratie.

Il nous faut continuer inlassablement à combattre pour les conquérir et les préserver.

Le temps de la riposte

Face aux forces autoritaires, qu’elles soient d’extrême droite ou qu’elles se revendiquent du libéralisme, et face à la banalisation du mépris des droits, le SAF appelle à la mobilisation.

Ses membres doivent continuer à investir les prétoires, les médias indépendants et pluralistes, les réseaux et les espaces politiques et amplifier ses propres outils de communication.

Le SAF continuera de s’inscrire dans le mouvement social et de travailler avec ses partenaires, syndicats, associations. Le SAF prendra des initiatives à l’échelle locale et nationale partout en France pour porter plus haut la défense de l’État de droit et renforcer collectivement la construction d’une digue contre l’extrême droite.

Le SAF combattra toutes les atteintes aux libertés publiques et systématisera les recours nécessaires.

Le SAF propose avec son livret justice des projets de réformes ambitieux et nécessaires pour une justice digne, progressiste, indépendante, humaniste et écologique.

Par l’investissement du champ médiatique, le SAF défendra une autre vision de la société purgée de tout discours de haine.

Le SAF continuera de se battre pour que les conditions d’exercice des avocat·es soient assurées financièrement.

Parce que défendre, c’est lutter.

Parce qu’un État de droit doit avoir une justice indépendante et une défense libre.

Parce que nous sommes nombreuses et nombreux, et que nous ne céderons pas.

Le temps de la riposte a sonné.

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