L’Assemblée Nationale a adopté en nouvelle lecture, le 22 janvier 2020, la proposition de loi portée par Madame Laetitia AVIA visant à lutter contre les propos haineux sur internet.
Si la lutte contre toute forme de diffusion de contenus haineux est un impératif indiscutable, il faut toutefois interroger les termes de ce texte qui porte les germes d’une extraordinaire atteinte à la liberté d’expression par une incitation immodérée à la censure généralisée.
Plusieurs institutions et associations, telles que le Conseil National des Barreaux, le Conseil National du Numérique, La Quadrature du Net ou la Ligue des Droits de l’Homme alertaient récemment encore, avec le Syndicat des Avocats de France, du « risque » que cette loi « ferait encourir à nos libertés publiques ».
La version issue des débats de l’Assemblée n’y a rien changé.
Ainsi il est toujours prévu de privatiser le contrôle des publications sur internet en confiant à des opérateurs privés le soin de définir ce qui excède ou non de la liberté d’expression, alors que cette mission constitue un enjeu majeur dans une démocratie. Le refus de retrait de contenu haineux sera sanctionné pénalement d’une lourde amende (250.000 euros) invitant ces industries à une censure zélée.
Le juge judiciaire, gardien des libertés individuelles, n’interviendra quant à lui qu’après la décision de retrait et qu’autant que l’auteur de la publication en conteste la légitimité. Alors que la demande de retrait doit être examinée sous 24 heures (sous 1 heure dans certaines circonstances !), les juridictions ne disposent d’aucun délai spécifique pour répondre, y compris en référé ; de nouveau, l’exercice et la préservation d’un droit fondamental est sacrifié sur l’autel de considérations budgétaires.
Dans le même temps, l’Assemblée Nationale valide une nouvelle coquetterie judiciaire en créant un Parquet et une juridiction spécialisée, chargée du traitement de certaines infractions commises sur Internet. Avec l’aval du Gouvernement, se poursuit donc l’entreprise de centralisation de contentieux spécifiques et de destruction du maillage judiciaire français ; processus qui ne semble trouver aucune limite.
Cette proposition de loi poursuit son chemin et repart maintenant devant le Sénat.
Avant son examen par le Sénat, le 26 février prochain, le Syndicat des Avocats de France rappelle que la liberté d’expression n’est pas qu’une idée mais est un des fondements et une des garanties de la démocratie et que des opérateurs privés, menacés économiquement, ne vaudront jamais des juges indépendants.