En moins de trois jours, la commission des Lois de l’Assemblée nationale vient de voter un millier d’amendements du projet de loi de Programmation de la justice, présentés quarante-huit heures avant leur adoption, empêchant ainsi les députés de procéder à un examen sérieux du projet de loi et confisquant le débat démocratique.
Au final, le texte qui doit être examiné en séance publique par l’Assemblée nationale à partir du lundi 19 novembre, aggrave encore les mesures du projet gouvernemental initial, poussant la logique de rationalisation des coûts et l’atteinte aux droits fondamentaux à son comble.
Ainsi l’expérimentation de la spécialisation de cours d’appel qui devait se limiter à deux régions administratives, concernera finalement cinq régions et donc potentiellement une dizaine de cours d’appel, sans la limiter aux affaires à « haute technicité et faible volumétrie ».
Les tribunaux d’instance et de grande instance disparaissent au profit d’un « tribunal judiciaire », laissant préfigurer la création de tribunaux départementaux, et une nouvelle carte judiciaire sans se préoccuper de la nécessaire proximité territoriale entre les justiciables et les lieux de justice.
L’encadrement des plateformes privées de résolution amiable des litiges est abandonné, la certification des opérateurs privés et payants devenant facultative.
S’agissant du volet pénal, les droits de la défense sont tout simplement sacrifiés. La garde à vue serait désormais notifiée oralement, avec un enregistrement audio, consultable seulement sur autorisation judiciaire tandis que la procédure pénale serait entièrement dématérialisée, rendant impossible le contrôle de la régularité des actes de procédure.
Le sort réservé aux mineurs non accompagnés n’est pas plus favorable : le préfet pourra ainsi décider de déplacer le mineur d’un département à l’autre deux fois, une première fois avant évaluation de sa situation, la seconde dans le cadre de son placement.
Ces nouvelles modifications du projet de loi, adoptées par les rapporteurs du texte à l’Assemblée nationale, sans opposition du gouvernement, sans aucune concertation et sans aucun respect des accords issus des négociations avec la profession, démontrent que nous avions raison de ne faire aucune confiance à la ministre de la Justice, lorsqu’elle affirmait vouloir maintenir une justice proche des citoyens et être soucieuse du respect des droits de la défense.
Nous n’avons jamais été dupes de ces concertations de façade et fausses promesses, mais le gouvernement ne se contente plus de tromper les avocats, il confisque le débat public.
La profession a décidé d’interpeller la Garde des Sceaux et d’organiser une nouvelle journée justice morte le 22 novembre 2018.
Car nous sommes à un tournant crucial pour l’avenir de notre justice, le SAF appelle à y participer massivement partout en France, mais également réclame la convocation d’assemblées générales dans tous les barreaux pour décider de modalités de mobilisations radicales, afin que le gouvernement comprenne que nous n’accepterons jamais un projet qui institue une justice illisible, livrée à des intérêts privés, éloignée du justiciable et qui consacre un nouveau recul des droits de la défense et des droits fondamentaux.