PUBLIÉ LE 24 avril 2020

Madame la Garde des Sceaux,

Le 23 avril dernier, à l’occasion de la présentation des mesures économiques adoptées par le Gouvernement pour accompagner les avocats dans cette crise, qui sont en réalité des dispositifs préexistants pour toutes les professions libérales, vous exhortiez la profession à prendre toute sa part dans le redémarrage du service public de la Justice.

Pourtant, dans le fonctionnement dégradé des juridictions pendant cette crise, l’avocat fait manifestement figure de quantité négligeable.

Il aura fallu saisir le Conseil d’État pour faire reconnaître que les avocats, dans toutes les fonctions dont ils ont la charge, concourent au service public de la justice, et ainsi obtenir du matériel sanitaire pour éviter d’exposer au virus les justiciables et l’ensemble des professionnels.

Évidemment nous prendrons notre part, à condition qu’il nous reste encore une place dans votre Justice de l’urgence.

Nous l’avons d’ailleurs déjà fait sans attendre votre injonction puisque nous avons poursuivi nombre de nos missions au péril de notre sécurité et de celle des autres.

La récente communication de la Cour d’appel de PARIS sur les aménagements prévus pour la reprise des contentieux en matière civile n’est qu’un exemple du mépris avec lequel vous avez décidé de traiter la profession : imposer aux avocats de faire parfois 200 kilomètres pour déposer une clef usb dans un palais désert n’a pas semblé interroger vos services. Pas plus que concerter les bâtonniers du ressort avant d’adopter une organisation impraticable.

Loin de veiller à la continuité du service public de la Justice et à la garantie des droits de tous les justiciables, la réalité sur le terrain nous démontre au contraire que depuis le début de cette crise sanitaire, et malgré la mobilisation de tous les personnels de Justice, celle-ci n’est définitivement pas votre priorité.

Vous avez adopté des ordonnances dont certaines dispositions sont profondément attentatoires aux droits fondamentaux des justiciables, aux droits de la défense et au principe du contradictoire sans entendre ni les critiques ni les difficultés d’interprétation.

Vous avez laissé à chaque juridiction le soin de déterminer leur plan de continuation d’activité, instaurant de profondes inégalités de traitement des justiciables selon le tribunal devant lequel ils pouvaient ou non se présenter.

Vous avez prétendu que le tout numérique serait une solution à la fois matérielle et économique, alors qu’une partie de vos personnels ne sont dotés d’aucun équipement informatique et que les visio-audiences se déroulent invariablement dans des conditions qui ne respectent pas les droits des justiciables, à peine audibles.

Vous avez laissé sans la moindre protection pendant des semaines l’ensemble des personnels de Justice intervenant au sein des juridictions et des centres de détention, aujourd’hui l’ensemble des acteurs n’en sont toujours pas dotés.

La réalité est que, comme notre système de santé, le service public de la justice est à l’agonie, entravé par l’indigence de ses moyens. La justice n’est pas un chantier prioritaire puisqu’elle ne figure pas parmi les 17 chantiers cruciaux listés par l’exécutif pour mener à bien le déconfinement à partir du 11 mai prochain !

Madame la ministre, la Justice est une activité essentielle, l’État de droit ne peut rester plus longtemps en quarantaine ! Dans la perspective du déconfinement, nous exigeons que le  service public de la justice soit immédiatement doté de moyens matériels et humains supplémentaires  et des garanties de procédure à la hauteur de l’enjeu démocratique.

Nous serons au rendez-vous.

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