Il y a quelques jours, le SAF avait lancé une alerte sur le projet de décret qui allait être pris en application de l’ordonnance n°2020-460 du 22 avril, texte fourre-tout portant diverses mesures prises pour faire face à l’épidémie de covid-19, par lequel était envisagée, à l’article 9, la réduction des délais d’information et de consultation des institutions représentatives du personnel.
Nos appréhensions étaient fondées et malgré de nombreuses alertes, le gouvernement vient de publier au Journal officiel une nouvelle ordonnance, et des décrets, qui réduisent considérablement les délais de consultations des Comités Sociaux et Economiques (CSE) sur les décisions de l’employeur qui ont pour objet de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19, ainsi que les délais de réalisation des expertises réalisées à la demande du CSE pour les aider à analyser le projet et exprimer un avis éclairé.
Le caractère préalable de la consultation des représentants des salariés, principe essentiel dans le fonctionnement des entreprises, avait déjà été remis en cause par de précédentes dispositions prises en matière de chômage partiel ou de modalités de prise de congés.
Ces nouveaux délais et modalités de consultation des représentants des salariés sont tels que le principe même de l’information-consultation perd tout son sens et toute son efficacité.
Avec ces nouveaux textes, l’expert aurait un délai de seulement 7 jours, week-ends inclus, pour examiner les documents mis à sa disposition par l’employeur, étudier les situations et l’organisation du travail y compris sur le terrain et rédiger son rapport, et ce quelle que soit la taille de l’entreprise ou de l’établissement… Autant dire que le Gouvernement renonce aux critères d’exigence dont il se prévaut pourtant lui-même au moment de la délivrance d’un agrément aux experts.
« Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises. »
Ce principe constitutionnel au fondement de l’obligation d’information consultation est aujourd’hui bafoué, au nom de l’état d’urgence sanitaire alors même que plus que jamais, un dialogue et une concertation avec les salariés et leurs représentants sont indispensables pour organiser la reprise de l’activité dans des conditions appropriées, en particulier en termes de sécurité et de santé au travail.
Plus que jamais en cette crise sanitaire, les problématiques et questionnements des entreprises doivent être discutés avec les représentants des salariés pour que la reprise de l’activité s’opère dans des conditions sécurisées, concertées, solidaires et acceptées. Il est là question de santé au travail.
Il est aussi question de la préservation des emplois ; cette crise démontre combien l’équilibre repose sur chaque travailleur qui apporte sa pierre à l’édifice et non sur des dictats imposés d’en haut.
Les pouvoirs publics louent quotidiennement le mérite et le courage de ceux qui assurent la continuité de certaines activités indispensables à notre survie ; mais la publication de tels textes et la réduction considérable des droits des représentants des salariés traduit la réalité de la volonté politique de nos dirigeants.
Des atteintes aussi caricaturales aux droits des représentants du personnel, et partant, aux droits des salariés qu’ils représentent et dont ils assurent l’expression des intérêts dans les décisions affectant la marche générale de l’entreprise, l’emploi, les conditions de travail…sont contraires aux textes européens et internationaux que la France doit respecter.
Elles sont également contraires au développement du dialogue social dont se prévaut pourtant le gouvernement depuis tant d’années.