PUBLIÉ LE 27 juillet 2017

Projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme : De l’exception à la création définitive d’une police spéciale du comportement et de la pensée

 

L’inventaire est révélateur :

  • Loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme
  • Loi du 25 juillet 2015 relative au renseignement
  • Lois du 20 novembre 2015, du 19 décembre 2016 et de juillet 2017 prorogeant l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ces dispositions
  • Loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement
  • Loi du 21 juillet 2016 prorogeant l’état d’urgence et portant mesure de renforcement de la lutte antiterroriste
  • Loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique

En moins de 3 ans, le Parlement, en discussion permanente sur les mesures de lutte contre le terrorisme et de renouvellement de l’état d’urgence, a adopté 8 lois différentes et examine actuellement le projet de loi renforçant la sécurité intérieure.

Œuvrant à l’instauration et la perpétuation d’un état d’urgence comportant des mesures exceptionnelles, sans respect des garanties fondamentales de protection des libertés, les gouvernements et législateurs successifs déroulent systématiquement les mêmes arguments pour justifier ce dispositif législatif maintes fois renforcé : afin de lutter efficacement contre le terrorisme, et lever l’état d’urgence, il faudrait modifier l’arsenal juridique pour plus de sécurité.

L’état d’urgence devait déjà être levé en juillet 2016 à la suite de l’adoption de la loi pénale du 3 juin 2016 qui était censée prendre le relai. L’argumentaire autour de l’actuel projet de loi est exactement le même : la promesse désormais vidée de l’essentiel de son sens est ici renouvelée, doit-on seulement y croire ?

En outre, ni l’état d’urgence, ni les réformes successives n’ont démontré leur efficacité à lutter contre le terrorisme.

Cette lutte est aussi une question de moyens et d’organisation des services de renseignement et de police, mais cette question abordée par de nombreuses études n’est que rarement abordée dans le cadre des discussions parlementaires.

En revanche, les atteintes aux libertés des personnes – générées par la surveillance généralisée, la réduction de la liberté d’expression et de manifestation, la restriction de la liberté de circulation, la fermeture des frontières, les violation du droit à la vie privée, familiale et professionnelle,… – ont toutes été démontrées et documentées.

Mais à ce jour, l’équilibre entre, d’une part, les nécessités de renforcer la sécurité contre un risque terroriste réel et, d’autre part, les garanties procédurales qui doivent s’y attacher, n’est pas respecté.

Ce nouveau projet de loi vient inscrire dans le marbre les mesures exceptionnelles de police administrative, en créant une police administrative spéciale du terrorisme et en perpétuant toutes les dérives qui avaient été dénoncées contre l’état d’urgence :

  • Caractère discriminatoire des mesures
  • Confusion entre migrations et terrorisme
  • Intrusion excessive dans la vie privée des personnes
  • Police du comportement, de la pensée et des manifestations sociales et politiques
  • Défense empêchée

Finalement la réforme proposée illustre parfaitement les choix politiques de ces quinze dernières années : des évènements de nature exceptionnelle sont utilisés pour justifier la construction d’un droit d’exception qui finira toujours par s’appliquer dans le droit commun, loin de produire l’efficacité recherchée pour les infractions qui en sont à l’origine.

Elle accentue également le transfert des pouvoirs du judiciaire en matière de lutte contre le terrorisme, vers l’exécutif, sans garantie d’indépendance.

Le syndicat des avocats de France, dont les membres ont eu à défendre des personnes mises en cause souvent à partir de simples soupçons liés à des comportements, et non à des faits, entend ci-après contribuer au débat parlementaire et démontrer que le projet de loi présenté au Parlement est dangereux pour les libertés et l’Etat de droit, et inefficace pour assurer la sécurité des citoyens.

Il demande aux parlementaires de rejeter ce texte et d’évaluer sérieusement la politique de lutte contre le terrorisme en ayant le même souci de la sécurité des citoyens que de celui des garanties des libertés individuelles et des droits fondamentaux.

 

Lire la suite de l’analyse du projet de loi :

 

170727-SAF-Analyse PJL Securite

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