PUBLIÉ LE 21 mars 2017

« Vous n’avez plus aucune limite […]. C’est honteux, monsieur. Il n’y a même pas de mots. On ne sait même pas comment est-ce qu’on arrive encore à vous regarder comme un être humain. »

Voilà les propos lancés à un prévenu de 18 ans, sans antécédent judiciaire, par la présidente d’une audience de comparution immédiate du tribunal correctionnel de Marseille, propos recueillis et diffusés par une journaliste de France Culture.

La procureure complète le tableau : « Vous êtes odieux et en plus vous faites semblant de vous excuser. (…) Y’ a pas marqué « Sœur Teresa » ! A un certain niveau de gravité, je ne pardonne pas ».

C’est avec consternation que le Syndicat des avocats de France prend connaissance de ces faits. Ils révèlent à quel point une procédure pénale expéditive précipite des magistrats sans recul à se comporter sans contrôle, sans humanité, sans retenue et à l’encontre de leurs plus élémentaires devoirs de dignité, de discrétion, de réserve, d’attention à autrui et d’impartialité.

Ces obligations déontologiques ont une finalité : assurer que la justice soit rendue suffisamment sereinement, au terme d’un procès équitable, pour être admise par tous.

Quand celui qui tient la balance utilise l’invective et exprime aussi violemment son mépris, c’est contre les intérêts de celui qui les subit, mais surtout contre l’intérêt de la justice.

Quant au Parquet, en s’exprimant « …dans des termes propres à ne pas nuire à la dignité de la fonction de magistrat » (cf. Obligations déontologiques des magistrats – Conseil supérieur de la Magistrature), il aurait pu rendre un peu de dignité à cette audience. Il a choisi de lui en retirer davantage.

Lorsqu’au même instant deux magistrats se laissent ainsi aller, c’est le signe d’un processus judiciaire défaillant.

Les avocats savent que les comparutions immédiates malmènent les droits de la défense, mais aussi l’exercice de la justice tout entier. Manifestement, leur publicité ne suffit pas à éviter ces dérives.

Ce double dérapage en est un exemple supplémentaire, mis en pleine lumière grâce à la présence opportune d’une journaliste, finalement priée d’être discrète. Mais, ce n’est pas en cachant sous le tapis ses faiblesses, ses erreurs, ses fautes, que la Justice d’un pays démocratique s’améliorera, bien au contraire.

Chacun sait, ainsi, dans quelles conditions déplorables cette justice expéditive est rendue : mal et parfois honteusement.

Au lieu de vouloir le taire, il vaudrait mieux s’en préoccuper.

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