PUBLIÉ LE 2 octobre 2014

POUR LE SERVICE PUBLIC DE LA JUSTICE

L’Assemblée générale extraordinaire du CNB, convoquée le 3 octobre 2014, doit s’exprimer sur les propositions du Gouvernement concernant la réforme des professions dites réglementées.

Sur la forme, la méthode du Gouvernement

·      qui a distillé avant l’été des informations, sans produire le rapport de l’Inspection générale des finances,

·      qui engage une discussion,  sans présenter de texte ni d’étude d’impact,

·      qui laisse entendre que son adoption se fera par ordonnance

est déplorable.

Le  SAF regrette de devoir examiner les questions posées par le gouvernement au CNB dans un climat de pression et d’urgence, alors que le travail complet des commissions Justice du XXIè siècle et Office du Juge avait abouti à proposer une réforme de fond.

Sur le fond, la mise en place de ce nouveau dispositif dessine un modèle économique cohérent favorisant la libéralisation du marché et la concentration des activités juridiques autour de grandes structures, prestataires de services juridiques. Ce projet ne permet plus à chaque citoyen de bénéficier d’un avocat quelle que soit sa situation sociale ou géographique. Cette vision marchande du droit marque un mépris du travail de l’avocat, acteur essentiel du service public de la justice.

Pour ces raisons de forme et de fond, le SAF rejette ce projet qui ne conduit pas à moderniser notre système juridique, mais impose une vision libérale et marchande.

1. TERRITORIALITE DE LA POSTULATION

En l’état, le SAF n’est pas favorable à la suppression de la postulation territoriale TGI telle que figurant dans le projet du Gouvernement. Il ne s’agit pas d’une opposition de principe, le SAF préférant à une postulation obsolète et souvent coûteuse, le recours aux avocats correspondants quand les dossiers le nécessitent, ce qui se fait déjà dans les matières sans postulation.

Mais le SAF n’accepte pas ce projet là de suppression, au nom du service public de la justice, en raison des effets pervers qu’il créerait. Il sonnera la fin d’une justice de proximité : pas d’avocat, pas de tribunal et des justiciables sans défense.

Le constat est fait, en région parisienne : la multipostulation a lésé les barreaux d’Ile de France autres que Paris, qui ne survivent que par les exceptions en matière de ventes immobilières et de séquestres. Les CARPA, ainsi alimentées, parviennent avec difficulté à assurer la pérennité des missions de service public, non couvertes par les dotations AJ.

Appliquée à l’ensemble du territoire, cette solution aurait pour effet de concentrer les affaires sur certains grands cabinets et déséquilibrerait économiquement les barreaux et les petites structures.

Sans rééquilibrage du financement des missions de service public, ce « démaillage territorial » se fera au détriment des usagers les plus fragiles. Le coût serait alors plus important que celui des avocats postulants.

La seule préoccupation du SAF réside en la garantie de l’égal accès au droit et à la Justice pour tous. Cette garantie passe par le maintien des  TGI, la représentation par avocat et les ordres.

Tenant compte de ces préoccupations, l’échelon de la Cour d’appel ne peut non plus représenter l’échelon pertinent.

2. TARIF DE LA POSTULATION

Pour mettre fin à des pratiques peu compréhensibles, le tarif de postulation doit être supprimé pour y être substitué par un honoraire encadré par un principe de répétibilité.

3. OUVERTURE DES CABINETS SECONDAIRES

La liberté d’établissement des cabinets secondaires sans contrôle préalable ferait courir le risque de laisser s’installer sur le territoire des guichets de droit sans réalité de présence de l’avocat ni contrôle des conditions d’accueil des clients dans le respect de notre déontologie, dont la confidentialité.

Pour les mêmes raisons du maintien d’un service public de proximité, le SAF s’oppose à  l’établissement des cabinets secondaires sans un contrôle préalable par les Ordres. Ce contrôle constitue la garantie du respect de la déontologie et, pour les justiciables, une garantie de qualité.

4. OUVERTURE AUX TIERS DU CAPITAL SOCIAL DES SEL D’AVOCATS

Le SAF n’est pas  favorable à l’autorisation de capitaux extérieurs dans les structures d’avocats, qui met en danger l’indépendance de l’avocat. Cette proposition dessine une autre profession plus proche du marchand de prestations juridiques que de l’avocat au service du seul intérêt de son client.

5. STRUCTURES COMMERCIALES

La modification des structures d’exercice libéral telles les SELARL en structures commerciales de droit commun, constitue également une atteinte à l’indépendance de l’avocat dans l’exercice de ses missions. Le SAF n’accepte pas l’application aux avocats du statut de droit commun des sociétés commerciales.

6. STATUT D’AVOCAT EN ENTREPRISE

Les raisons exposées précédemment s’appliquent également  au statut de l’avocat en entreprise, incompatible avec l’indépendance et un exercice libéral de la profession. Le SAF n’est pas favorable à la création de ce statut.

Partager