Les lois scélérates de 1893-1894 visent l’intention plus que l’acte, la dangerosité potentielle plus que la culpabilité constatée. Ce sont des lois liberticides, prises dans un climat émotionnel après un fait divers particulièrement sensible et qui, destinées à lutter contre un ennemi nommément désigné initialement, vont s’appliquer en pratique à tout opposant potentiel du régime politique du moment qu’on va chercher ainsi à criminaliser  sur le fondement du « droit de l’ennemi ». 

L’exemple-type en est la loi du 2 mars 2010, dite Loi Estrosi, qui a donné naissance à l’article 222-14-2 du Code pénal réprimant l’infraction de « groupement formé, même de façon temporaire, en vue de… », mesure-phare utilisée depuis octobre 2018 contre le mouvement dit des « gilets jaunes » avec pour but de réduire comme peau de chagrin le droit fondamental de manifestation, véhicule de la  liberté d’expression, essentielle  pour l’exercice d’une véritable démocratie.

C’est la théorie du « droit de l’ennemi », dénoncée notamment par l’universitaire Olivier Cahn : Il ne  sagit que d’un prétexte, le législateur ayant dès le début la volonté de voir l’application de cette disposition [222-14-2] s’étendre aux manifestations sur la voie publique. Cette infraction est l’expression d’une ‘anticipation’ de la répression bien en amont du fait délictueux, faisant ainsi du manifestant un ‘ malfaiteur présumé’ ; elle procède d’une criminalisation d’une intention présumée.

La pénalisation de l’intention ouvre la voie à des pratiques judiciaires validant des privations de liberté arbitraires : lorsqu’il est demandé aux parquets, dans les orientations de politique pénale du garde des Sceaux, de qualifier des objets n’ayant pas été utilisés pour commettre des infractions d’ « armes par destination », ou de considérer du matériel de protection comme des indices de la volonté de commettre des violences (lunettes de piscine…), et que des parquets valident des garde à vue prises sur ces motifs ; lorsqu’un procureur, à Paris, diffuse à son parquet une note dans laquelle il invite à la poursuite des gardes à vue dans les affaires qui seront classées sans suite en l’absence d’infraction, afin d’empêcher les personnes de rejoindre les cortèges.

Avec nos invités, nous reviendrons sur l’inflation législative sécuritaire des 20 dernières années qui transforment l’État de droit en un État « de surveillance » – ou « de suspicion » qui affaiblit les libertés à partir d’un soupçon quasi permanent, avec en point d’orgue la proposition de de loi sécurité globale.

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