PUBLIÉ LE 27 juin 2023

Le 3 juin 2022, le Conseil d’Etat encadrait le recours à la dématérialisation pour les demandes de titre de séjour, en contraignant le gouvernement à modifier la réglementation et en enjoignant à l’administration de garantir un accueil et accompagnement non dématérialisé des usager·es. Plus d’un an après, la situation ne cesse d’empirer, avec de graves répercussions sur la situation des personnes étrangères.

Un an après la précision par le Conseil d’Etat des obligations incombant à l’administration, le constat est sans appel. D’un côté, la majorité des préfectures ne respecte toujours pas leurs obligations d’accès aux guichets. De l’autre, alors même que le ministère de l’Intérieur étend la dématérialisation des demandes de titre à de nouvelles démarches sur le téléservice ANEF (pour les bénéficiaires du regroupement familial), le Ministère tarde à compléter la nouvelle réglementation ordonnée par le Conseil d’Etat pour préciser les modalités d’accès aux préfectures en cas de blocage de l’ANEF.

Au cours des dernières années, la dématérialisation des procédures d’accès à un titre de séjour a fermé les portes des services préfectoraux aux personnes étrangères. Impossible pour ces dernières de faire valoir leurs droits : le blocage de la machine administrative fabrique chaque jour des personnes sans-papiers et entraîne des ruptures de droits (séjour, emploi…), du fait de l’impossibilité de renouveler un titre temporaire ou de déposer un dossier de régularisation. Cette situation s’aggrave avec l’extension des démarches relevant du téléservice ANEF, dont la conception, pensée sans les usager·es, montre de jour en jour sa défaillance, sans compter les dysfonctionnements techniques répétés et le manque de lisibilité des divers modes de dépôt des demandes, qui varient selon les catégories concernées.

Loin de garantir le maintien d’un service public ouvert et humain, le Conseil d’Etat a toutefois posé des limites à la disparition des guichets préfectoraux : pour les demandes à présenter au guichet, interdiction est faite aux préfectures de rendre obligatoire l’usage d’internet dans le cadre de la prise de rendez-vous ; quant aux demandes à déposer via le site internet national dénommé ANEF, les préfectures doivent proposer un accueil et un accompagnement physique aux personnes, ainsi qu’une autre modalité de dépôt de la demande en cas de blocage persistant de l’ANEF.

A la suite de la décision du Conseil d’Etat, plus de dix tribunaux administratifs, parmi les 23 saisis par nos organisations en 2021, ont déjà enjoint aux préfectures de mettre fin au tout dématérialisé (d’autres décisions sont encore en attente). Si la plupart des préfectures visées ont quelque peu modifié leur fonctionnement, les changements apportés ne répondent toujours pas aux obligations réglementaires :

  • Le recours à Internet reste largement imposé pour l’obtention d’un rendez-vous. Lorsque des mesures « alternatives » sont proposées (telles l’envoi d’un formulaire ou le dossier par courrier), elles sont difficilement identifiables et connues par les usagers et usagères et ne permettent pas toujours de garder la trace de la demande de rendez-vous. Par ailleurs, l’attente pour l’obtention du rendez-vous reste très longue.
  • Les informations délivrées sont tout aussi kafkaiennes, et souvent incomplètes, concernant les demandes à accomplir via l’ANEF. Un accueil et un accompagnement physiques dans un point d’accueil numérique est prévu. Encore faudrait-il y accéder : lorsqu’ils existent, ces lieux ne sont sauf exceptions accessibles que sur rendez-vous (souvent… par internet), à des plages horaires restreintes et avec un personnel peu formé (en particulier des volontaires en service civique). Et les modalités alternatives en cas de blocage sur l’ANEF ne font globalement l’objet d’aucune information à destination du public.

Voir ce que proposent les préfectures condamnées par un tribunal administratif (Guyane, Seine-Saint-Denis, Guadeloupe, Yvelines, Essonne, Rhône, Loire, Vienne, Seine-et-Marne, Val-de-Marne)

Les pouvoirs publics ignorent leurs obligations légales. Le sous-dimensionnement des moyens dédiés à l’accueil des personnes étrangères fait naître un véritable chaos administratif, gravement préjudicable aux personnes devant demander ou renouveler un titre de séjour. Nos organisations exigent que le gouvernement prenne sans délai toutes les mesures nécessaires pour restaurer les conditions d’un accès effectif au service public dans toutes les préfectures.

 

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