PUBLIÉ LE 9 janvier 2014

Lors des débats parlementaires ayant précédé le vote de la loi du 6 juillet 1989 tendant à

améliorer les rapports locatifs, le SM et le SAF avaient appelé l’attention du législateur sur la

nécessité de permettre au juge de vérifier la réalité du motif du congé allégué par le bailleur et

non plus seulement la légalité formelle de ce congé, en substituant le terme “justification” au

terme “fondement”.

Cette proposition, reprise par la commission des lois de l’assemblée nationale, a été intégrée

dans la loi du 6 juillet 1989, et l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989, encore en vigueur

aujourd’hui, dispose :

Lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision

de vendre ou de reprendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment

l’inexécution par le locataire de l’une des obligations lui incombant. A peine de nullité, le congé

donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et en cas de reprise, les nom et adresse du

bénéficiaire de la reprise, qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est

lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au

moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son

partenaire ou de son concubin notoire.”

Il ressortait très clairement des débats parlementaires de l’époque qu’alors que sous l’empire

du droit antérieur, le congé n’était soumis qu’à un contrôle purement formel, désormais “pour

être recevable, un congé devait non seulement être délivré pour un des motifs limitativement

admis par la loi (congé pour vendre, pour habiter ou pour un motif légitime et sérieux) mais

également être justifié.”, ainsi que l’écrivait monsieur jacques LAFOND commentant

l’amendement adopté par la commission des lois, dans son ouvrage de référence sur les baux

d’habitation. La loi introduisait donc un contrôle a priori sur la réalité des motifs du congé.

(Cf François COLCOMBET, rapporteur à l’AN, doc. AN n°689 p30, Gilbert MILLET, Débat

AN 2ème séance du 29 mai 1989 p1004, Jean FAURE, rapporteur au Sénat, doc. Sénat n°345).

Le Ministre avait d’ailleurs indiqué, en réponse à une question écrite :

“Le juge a dorénavant la possibilité non plus seulement de constater l’existence matérielle

d’une motivation, mais aussi de vérifier la réalité de la motivation invoquée. Cette disposition

va tout à fait dans le sens de la lutte contre la fragilisation de la situation des locataires.

(Jurisclasseur civil article 1708 à 1762 fasc 133 n°22).

Cependant, – reflétant au fil du temps l’inégalité permanente d’accès à la justice des bailleurs

et locataires – la jurisprudence a progressivement réduit à peau de chagrin l’étendue du

contrôle du juge sur les motifs invoqués par le bailleur. Elle prive pratiquement aujourd’hui

le juge de tout pouvoir de contrôle de la réalité des motifs, en retenant que, sauf cas d’une

intention frauduleuse manifeste, le contrôle des motifs du congé ne peut intervenir qu’a

posteriori… L’intention initiale du législateur de 1989 est ainsi clairement bafouée.

Le projet de loi ALUR est aujourd’hui l’occasion de revenir sur cette dérive, et de réaffirmer

clairement l’étendue du contrôle du juge sur les motifs du congé.

Nous demandons aux Rapporteurs et au Gouvernement que le projet ALUR retienne deux

modifications devenues indispensables pour rétablir l’équilibre pensé en 1989 :

la confirmation claire du pouvoir conféré au juge, saisi en validation d’un congé de

fin de bail, de vérifier la réalité du motif qui justifie ou non une expulsion du

locataire  : nous proposons a minima un amendement complétant ainsi l’article 15 de

la loi du 6 juillet 1989 : « Le juge peut, même d’office, vérifier la réalité du motif

invoqué et le respect des dispositions du présent article ».

le rétablissement de sanctions et pénalités en cas de reprise des lieux, non suivie

selon la motivation de congé invoquée, soit de l’installation du bénéficiaire dans les

six mois pour une période suffisante, soit de la mise en vente annoncée.

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